Au fil du temps
Cette rue du 6e arrondissement, traverse les quartiers de la Monnaie, de l’Odéon et Saint-Germain-des-Prés. Longue de 665 mètres, elle commence au 3 quai Malaquais et se termine au 16 rue Saint-Sulpice. La partie comprise entre le quai Malaquais et la rue de Bussy (Buci) est la seule qui soit ancienne. À l’origine chemin établi sur la partie du fossé de l’enceinte de Philippe Auguste aboutissant à la Seine, elle remonte au milieu du XIIIe siècle et portera les noms de chemin du Pré aux Clercs, chemin tendant de la Porte de Buci au Pré aux Clercs, chemin de la Porte de Buci à la Seine, chemin du Pilori au Pré aux Clercs. Elle n’a été bâtie qu’à partir de 1535 environ. Elle est citée sous le nom de Grand rue de Seine dans un manuscrit de 1636.

Un décret impérial de 1811, ordonnant le prolongement de la rue de Tournon vers le Nord, entraîne fin 1811 début 1812 le prolongement de la rue de Seine au Sud du croisement avec la rue de Bussy vers ce qui est aujourd’hui le boulevard Saint-Germain. Elle porte un temps le nom de rue du Sénat à partir de 1867. Sous le Premier Empire et à l’époque de la Restauration, elle est appelée rue de Seine-Saint-Germain.

Mes ancêtres qui y demeurèrent
Coucou nous revoilà ! Et oui Pierre Henri KRABBE et Jeanne Angélique VIALAT ont également vécu dans cette rue. En 1834, ils étaient encore au 46 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Dans la Gazette de France du 26 décembre 1835, j’ai trouvé cet entrefilet. Il s’agit sûrement de Eugène GENOUDE. Commençant à connaître mon libraire, je ne suis pas sûr que le portrait qui avait été censuré lui soit très favorable.

L’intérêt pour moi de cet entrefilet, c’est qu’il situe la librairie au 12-14 rue de Bussy. C’est une rue qui croise la rue de Seine. Mais le 16 janvier 1836, Pierre Henri, est témoin au mariage de son beau-frère et est dit demeurant à Lagny-sur-Marne où avait eu lieu le mariage.
Et le 9 mai 1836, le voilà arrivé au 48 rue de Seine. Jeanne Angélique vient tout juste d’accoucher et Pierre Henri est fou de joie d’entendre la sage-femme s’écrier « C’est un garçon ! » Ce n’est pas leur premier, un petit Pierre Henri était né le 8 mars 1828 mais je ne retrouve aucune trace ensuite de cet enfant et crains bien qu’il soit décédé jeune. Ce second fils est prénommé Henri Armand, lors de son baptême en l’église Saint-Germain-des-Prés.

Mais hélas, sa vie sera bien brève, je découvre que six mois plus tard, le petit garçon est décédé, le 10 novembre 1836, à Lagny-sur-Marne, chez son oncle Louis GIROUX qui témoigne avec son beau-frère Jean Baptiste Clair VIALAT, tous deux, imprimeurs typographes, habitant à Lagny-sur-Marne. Pourquoi le petit était-il chez son oncle, apparemment sans ses parents, sinon je me dis que son père aurait témoigné ? Ceux-ci sont dits demeurant au 54 rue de Sienne, Faubourg Saint-Germain. Ont-ils déménagé, une nouvelle fois, de quelques numéros, entre le 9 mai et le 10 novembre, passant du N°48 au N°54 ou bien est-ce une erreur des oncles qui témoignent au décès ? Un évènement qui aurait pu être dramatique, va me confirmer qu’ils sont bien au N° 48.

Au feu ! Au feu !
Dans son édition du 10 décembre 1836, Le Journal des débats politiques et littéraires, relate que vers deux heures du matin un incendie s’est déclaré, chez M. KRABBE, papetier-libraire, rue de Seine Saint-Germain, N° 48. Et c’est avec beaucoup de détails précis que l’accident est raconté.

Exactement le même article est aussi publié dans Le Courrier français. Deux points m’ont interpellée. Tout d’abord, il n’est pas fait mention de leurs enfants or à cette époque, il y avait au moins mon ancêtre Victorine Thérèse Coralie, âgé de 6 ans. Pierre Henri et Augustine Emilie dont j’ai également perdu trace depuis sa naissance en 1832 étaient-ils déjà décédés ? Et Victorine était-elle aussi à Lagny-sur-Marne, chez son oncle ? Pourquoi ? Le comportement de Pierre Henri et sa femme m’a aussi étonnée. Certes, je crois qu’à leur place ma première réaction, dans la panique, aurait été aussi de fuir, mais en même temps, c’est étonnant que dans un second temps, ils ne soient pas revenus devant leur maison, au point que les pompiers aient dû fracasser la porte. J’ai eu envie de regarder le plus près, le plan parcellaire du 48 rue de Sienne et je ne vois pas comment ils auraient pu fuir par l’arrière de leur maison qui ne donnait pas sur une rue mais sur d’autres maisons… Cet article aurait bien pu faire courir la rumeur de leur manque de courage… et pressentant cela Pierre Henri a dû aller rencontrer la direction, car Le Journal des débats politiques et littéraires du 11 décembre, publie ce correctif.

Je n’ai pas retrouvé La Charte dont il est question. Mais ouf ! L’honneur de Pierre Henri est sauf ! À la date du 11 décembre 1836, j’ai trouvé aussi un entrefilet, sur l’incendie, dans Le Constitutionnel, Le Journal de Paris et Le Monde. Dans Le Journal des débats politiques et littéraires du 10 décembre, à la suite du récit des faits, il y avait un petit article intéressant, repris le 11 décembre, par Le Monde, récapitulant tous les incendies qui ont eu lieu, à Paris et dans la banlieue, au mois de novembre 1836.

Cet évènement qui aurait pu être fatal, pour mes ancêtres, m’a bien sûr donné envie d’en savoir plus sur les pompiers de Paris, à cette époque, et j’ai trouvé plusieurs documents très intéressants dont j’ai extrait les informations ci-dessous.
Histoire des pompiers de Paris
Au feu, à chacun son seau ! Avant que les pompiers n’existent, les Parisiens et Parisiennes devaient éteindre eux-mêmes les incendies survenant dans leur voisinage. Des provisions d’eau devaient être faites dans les habitations et les hommes faisaient partie du guet à tour de rôle chaque nuit. Il fallait également veiller au bon entretien des puits pour que l’eau soit facilement accessible en cas de besoin.
François Dumouriez du Perrier (1650-1723), comédien, membre de la Comédie française, rapporte d’un voyage aux Pays-Bas une invention développée par Jan Van der Heiden : la pompe à incendie. Après l’avoir présentée à Louis XIV, il lance la production et la vente de ces pompes à travers la France.

En 1718, le feu du Petit Pont près de l’Hôtel Dieu, brûle toutes les maisons construites au-dessus de ce pont. Suite à cet incendie, François Dumouriez du Perrier, est nommé Directeur général des pompes à incendie de la ville de Paris. À lui d’entretenir et de former du personnel à leur maniement. En 1719, des gardiens et sous-gardiens sont responsables des 17 pompes publiques disposées dans Paris. Au départ, ces hommes conservent leur emploi principal (cordonnier, serrurier, maître brodeur…) mais constituent une première cohorte de 62 pompiers à Paris. C’est quatre ans plus tard, en 1722, que le Conseil d’État crée le « corps de gardes pompes civils » de 60 hommes, logés près des lieux où sont entreposées les pompes à incendie. Leur uniforme est calqué sur celui du génie mais il dépendront de la Ville de Paris.


En juillet 1810, à Paris, l’ambassadeur d’Autriche donne un bal en l’honneur du mariage de Napoléon 1er avec l’archiduchesse Marie-Louise. La salle de bal, réalisée avec une structure tout en bois, est placée dans le jardin de la résidence de l’ambassade. Un terrible incendie s’y déclare. Les secours sont inefficaces et le feu fait de nombreux morts.
Cet accident, traumatise l’Empereur. Le 18 septembre 1811, Napoléon 1er confie la lutte contre les incendies à un corps militaire qui devient le premier Bataillon des sapeurs-pompiers de Paris. La Ville se dote d’une particularité unique au Monde, qui subsiste encore de nos jours : un corps de pompiers militaires. Le bataillon est chargé des pompes à incendie de la Ville de Paris. Voilà donc à quoi ressemblait le Capitaine des pompiers qui a éteint le feu du 48 rue de Seine.

Petit Palais, musée des beaux arts de la Ville de Paris
En 1860, onze communes limitrophes sont absorbées, aboutissant ainsi à la création de huit arrondissements supplémentaires. La zone d’activité du Bataillon des sapeurs-pompiers de Paris, s’étend à tout le département de la Seine. Des postes gardés par trois hommes sont créés ici et là pour que la rapidité des interventions ne pâtisse pas de ces évolutions territoriales. En 1866, Napoléon III transforme le bataillon de sapeurs-pompiers en régiment.
Sources
Jacques HILLAIRET, « Dictionnaire historique des rues de Paris, tome 2 »
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses momuments
Du corps des gardes pompes à la naissance des sapeurs-pompiers de Paris, 300 ans d’histoire !, Danièle Cossettini
La Naissance des pompiers de Paris, Marc Nédot de l’Aulnoy
Dix anecdotes sur la brigade des sapeurs-pompiers de Paris
18 septembre 1811 : création du bataillon des sapeurs-pompiers de Paris
Les sapeurs-pompiers militaires
La pompe à bras, Netpompiers