A comme… rue de l’Arbre-Sec

Pour ma première participation au Challenge AZ, j’ai choisi d’aller à la rencontre de mes ancêtres parisiens, sur mon ascendance maternelle, au long des rues où ils ont vécu. L’ordre alphabétique fait que je débute par une rue qui m’est chère puisque c’est là que j’ai vécu jusqu’à mes six ans.

Au fil du temps

Située dans le 1er arrondissement, Paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, cette rue du XIIIe siècle, dite d’abord du Charetier, porte depuis cette époque son nom actuel qui peut lui venir d’une enseigne ; elle porte aussi au XIVe, celui de la Croix-du-Trahoir, située à son débouché dans la rue Saint-Honoré, croix où étaient suppliciés les condamnés de la juridiction de Saint-Germain-l’Auxerrois. Longue de 279 m, la rue rejoint de l’autre côté la Place des écoles.

Extrait du « Plan des quartiers Saint-Germain-l’Auxerrois et Saint-Eustache« , daté du XVIIIe (BNF, Destailleur, Paris T.6)

La rue avec mes yeux d’enfant

Depuis leur mariage en 1945, mes parents, Jean FRERET et Simonne DUCOURNAU, habitaient au deuxième étage du N° 46, dans un appartement qui appartenait à l’Imprimerie MAULDE et RENOU, située 140 rue de Rivoli et où travaillait mon père. Je revois très bien cet appartement où je suis revenue très souvent en pensée, y faisant vivre des scènes de romans, se passant à Paris. J’aurai aimé être capable d’en faire un plan. Il était assez grand car, quand j’avais deux ou trois ans, mon frère m’asseyait sur le capot de sa voiture à pédales et nous y circulions, sans nous cogner aux meubles ou aux murs. L’entrée donnait à droite sur la chambre de mon frère, puis sur une antichambre avec de grands placards dans lesquels on aimait se cacher et qui donnait accès à ma chambre. Puis une porte vitrée s’ouvrait sur un grand salon, éclairé sur la rue, qui avait la particularité d’avoir le côté face à la rue en arrondi et surtout avait un plafond orné de peintures. Il servait de chambre à mes parents et côté rue il ouvrait, à gauche, sur un minuscule bureau en angle. De l’autre côté, se trouvait la salle à manger, plus petite et plus sombre, avec vue sur la cour. S’ensuivait la cuisine, en longueur, dans laquelle au fond, il y avait un endroit pour stocker le charbon et à côté une porte un peu magique car certains jours, mon père disparaissait par là pour aller au travail. L’entrée donnait aussi accès à une petite salle de bain avec WC. Mais ce que je n’aimais pas, c’était le cagibi entre l’entrée et la chambre de mon frère, dans laquelle je me souviens avoir été mise quelquefois devant l’assiette de soupe que je ne voulais pas manger ! Je n’ai malheureusement que ces deux photos partielles et de mauvaise qualité du salon.

Il n’y avait pas d’école maternelle proche ou très vieille, noire et pas attirante. Ma mère a fait la connaissance d’une ancienne directrice d’école qui avait créé un petit cours pré-élémentaire, en un appartement, situé sur le même trottoir que notre immeuble, au N° 54. Il y avait deux classes qui accueillaient chacune, six ou sept élèves. Quand mon frère a eu cinq ans, elle l’a inscrit. Quand j’ai eu 4 ans et demi, j’ai voulu y aller aussi. Je revois encore l’escalier que j’ai monté le jour de la rentrée et que j’ai redescendu en pleurs, trop déçue, parce que les petits ne commençaient que l’après-midi ; j’avais tellement hâte d’y aller. Je me souviens de Madame LEGRAND, tout en rondeur avec un chignon blanc et au contraire, l’autre maîtresse, une anglaise, toute mince. Nous n’avions pas de petits bureaux mais il y avait une grande table dans chaque pièce, autour de laquelle les élèves étaient assis. Je ne me rappelle pas du tout ce qu’on faisait en classe, tout ce que je sais, c’est que j’ai très vite appris à lire pour mon plus grand bonheur. Cette petite école étant tout près, nous y allions seuls, ma main dans celle de mon frère, fier de cette responsabilité, ma mère surveillant notre trajet par la fenêtre.

Il me reste plusieurs images d’enfance de cette rue ou plutôt de personnes qui y ont vécu. J’ai gardé en mémoire, la concierge de notre immeuble qui était gentille de même que sa grande fille que j’aimais bien. Nous voyant souvent malades, je la revois conseiller à ma mère d’accrocher sur nos maillots de corps, un carré de camphre, enveloppé dans un sachet de gaze pour nous aider à respirer. On portait cela l’hiver.

Je me rappelle aussi de la Fontaine du Trahoir, devant laquelle nous passions pour aller à gauche, rue Saint-Honoré, chez un épicier arabe, acheter des olives et du nougat arabe dont j’étais très gourmande. Mais plus que de la fontaine, ce dont je me souviens c’est de la clocharde (comme on appelait alors les sdf) qui était toujours assise devant. Nous l’avions surnommée « le Théâtre » parce qu’elle portait plusieurs habits sur elle, paraissant ainsi costumée et qu’elle déclamait des vers quand on la saluait. Plusieurs années plus tard, ma mère a pris des cours de peinture et a fait, de mémoire, une série de quatre tableaux sur les clochards de Paris dont celui-ci. Par contre, je n’ai aucun souvenir de cageots à côté d’elle ni de ces petits chariots des Halles, dans lesquels, les clochardes récupéraient des invendus pour se nourrir.

L’autre personne dont je me souviens bien c’est la vendeuse du magasin « A la Providence, spécialités pour baptêmes » où il y avait aussi diverses friandises. Mon frère et moi, nous en avions peur car elle criait sur les enfants qui s’approchaient trop près des bonbons. Je me revois, assise sur le rebord du balcon de ma chambre, lisant l’un de mes premiers romans, « Un bon petit diable », de la Comtesse de Ségur. J’avais vue sur la boutique, la vendeuse acariâtre est devenue l’incarnation de Madame Mac’Miche, surnom que nous lui avons donné entre nous.

Je n’ai pas de souvenirs de l’autre partie de la rue où nous n’allions guère. Pour nous promener, le jeudi, nous prenions, à droite, la rue de Rivoli, pour aller au jardin des Tuileries. Les autres jours où nous avions moins de temps, notre espace de jeu, c’était la Cour carrée du Louvre, toute proche. C’est là que j’ai appris à sauter à la corde et que mon frère a étrenné sa trottinette.

Si j’ai gardé de bons souvenirs de cet appartement, j’ai été néanmoins heureuse de le quitter. Car si nous y étions bien, nous étions très souvent malades. J’ai fait toutes les maladies infantiles, avec complications, y compris la scarlatine à une époque où nous devions rester en quarantaine. La pollution dont les murs noircis étaient les témoins, était due à la circulation de nombreux camions dans ce quartier proche des Halles, et au chauffage au charbon ou au bois. Cela avait déjà un impact sur la santé. Le médecin conseillait à mes parents de nous emmener le plus possible à la campagne mais nous n’avions pas de voiture. Mes parents ont trouvé un terrain à Massy, sur la ligne de Sceaux, sur lequel ils ont mis un petit chalet de bois, pour les week-ends et les vacances, puis une première partie en dur où nous avons définitivement déménagé, à la rentrée 1955-1956, quittant la rue de l’Arbre-Sec. Massy, à l’époque, était encore un gros bourg, entouré de maraîchers qui produisaient, pour mon régal, des fraises et des petits-pois et où l’on pouvait croiser des chèvres et des moutons… J’étais ravie d’avoir un jardin et « d’aller à l’école blanche de Massy et pas à l’école noire de Paris« .

L’histoire du N° 46

J’ai bien sûr cherché à en savoir plus sur le passé de cet immeuble. Et j’ai eu la chance de trouver une bonne partie de son histoire dans l’article d’Alexandre GADY : « La maison de Jacques LEMERCIER, 46 rue de l’Arbre Sec ». Il est en façade d’une parcelle tout en longueur, comportant plusieurs corps de logis que l’on peut voir sur le plan parcellaire d’avant 1860. « C’était une ancienne construction portant à la fin du XVIe siècle l’enseigne du Dauphin ». Parmi les personnes qui y habitèrent, il y a donc Jacques LEMERCIER, « Premier architecte du roi » qui a vécu au moins de 1638, date de son mariage à son décès en 1654, dans le corps de logis au cœur de l’îlot. Mais on ne sait pas exactement les travaux d’appropriation qu’il y a fait. « La tour arrondie abritant l’escalier est le vestige le plus certain de la maison qu’il habita ». L’auteur mentionne les différents propriétaires précédents et ceux qui se sont ensuite succédé, en indiquant les cotes des différents actes de vente. Je me suis plus particulièrement intéressé à celui du 30 juin 1813 qui décrit les lieux de manière très détaillée, bâtiment par bâtiment, étage par étage. L’acheteur est Etienne REY, marchand de couleur et Marie-Angélique CHATOUREL, sa femme. L’auteur précise à son sujet : « On doit pouvoir lui attribuer le rare plafond peint Restauration, orné de cornes d’abondance et de caducées, situé au deuxième étage du bâtiment sur la rue qui subsiste en bon état. » Et c’est le 1er décembre 1921 que toute la parcelle du N°46, est achetée par la Société MAULDE et RENOU. De ce qu’on en voit aujourd’hui, l’auteur précise : « Elle n’offre plus au passant qu’une façade de quatre étages carrés sans caractère, depuis qu’à la fin du XIXe ou au début du XXe, elle a été rhabillée en pseudo-style Louis XVI. »

Mes ancêtres qui y demeurèrent…

J’ai été ravie de découvrir que certains de mes ancêtres ont habité dans cette rue.

En une grande maison que j’ai pu situer

Dominique BARRAU et Catherine VIALASE de la COSTE, habitent tous les deux rue de l’Arbre-Sec, lors de leur contrat de mariage, le 30 août 1711. Lui, est âgé de 23 ans, fils de défunt Jean BARRAU, en son vivant, maître tailleur d’habits à Toulouse et de Jeanne BATZ. Étant mineur et sans famille à Paris, ce sont des amis, la plupart maîtres tailleurs d’habits, qui se sont réunis pour nommer, l’un d’entre eux, François DUVIGNAUD, comme tuteur pour stipuler en son nom. Elle, est fille de Raymond VIALASE de la COSTE, maître tailleur d’habits et de Marguerite TROUILLARD.

Ils auront sept enfants, quatre garçons dont François Dominique, mon ancêtre et trois filles mais Dominique n’aura pas le bonheur de les voir tous devenir adultes. Il a 49 ans quand il décède, le 26 avril 1738 et quatre de leurs enfants sont encore mineurs. Catherine m’a paru avoir une personnalité affirmée qui a bien su mener sa barque. Elle ne se remarie pas et élève seule ses enfants qui auront tous de belles situations. Il me faudra plusieurs articles pour raconter l’histoire de ce couple et de leur famille.

Je ne sais pas à quel endroit de la rue, ils habitaient lors de leur mariage. Je n’ai pu les localiser que le 16 février 1732. Ils achètent, pour 90 000 livres, à Anne Diane LEMERCIER la maison dans laquelle ils habitent, rue de l’Arbre Sec : « une grande maison a porte cochere composée de quatre corps de logis dont un sur le derriere, un en aile a gauche en entrant et deux sur le devant, quatre boutiques sur la face aux deux cotés de la porte cochere, cour entre lesd(its) corps de logis, chambre et cabinets, escalliers pour y monter, aysances et autres consistant en appartements desquels né point fait plus particuliere description ».

La vendeuse en avait hérité de sa mère, Anne BARANJON qui la tenait du partage, fait le 3 décembre 1681, de la succession de François BARANJON, apothicaire et valet de chambre du Roi, et de Marie LEGANGNEUX, ses père et mère. Sur « Familles parisiennes », Giselle OLLIVIER, a déposé un document sur la généalogie de la famille BARANJON dans laquelle elle mentionne, à propos du couple ci-dessus, marié en 1620 : « Les jeunes époux demeurèrent rue de l’Arbre Sec dans la grande maison de ses beaux-parents héritée par sa femme après leur décès. » Il y a fort à parier qu’il s’agit de la même maison qui daterait donc au moins du XVIe siècle.

On comprend donc, par cet acte, que Dominique et Catherine ont vécu dans cette maison, mais je ne sais depuis quand, avant de l’acheter, en toute connaissance. Puis je découvre, une lettre au Lieutenant Civil, écrite par leur gendre, Eustache LEGER, procureur, dans laquelle j’apprends, en résumé, que cette maison est « extremement caduque […] ils ont pour prevenir les inconvenients de l’éviction […] et attendu que les réparations étaient très urgentes et necessaires, obtenu votre ordonnance par laquelle vous avez nommé d’office DESBOEUF architecte juré expert pour visiter la maison et dresser le proces verbal de l’etat d’icelle en execution de laquelle ordonnance led. DESBOEUF a dressé son proces verbal et fait son rapport de visite les 18-20-22-23-24 et 25 7bre 1732″. Ils ont commencé les travaux nécessaires et demandent en quelque sorte une validation de ce qui a déjà été fait avant de les poursuivre.

Cet acte est une aubaine pour moi car j’allais découvrir plus précisément la maison. Cet acte contient environ cinq pages, écrites serrées, de description de la maison et huit pages détaillant minutieusement tous les travaux nécessaires et le tout d’une écriture pas trop difficile à lire. Impossible ici d’en copier la transcription intégrale. Je vais juste extraire quelques éléments d’architecture qui complètent la description de l’acte de vente et donnent un peu de volume à la maison. Il y a bien quatre corps de logis avec une grande cour dans laquelle on entre par une porte cochère et une courette à l’intérieur du corps de logis du fond. Ils sont tous avec deux étages carrés* au dessus du rez-de-chaussée plus un étage mansardé et grenier au-dessus. Trois des bâtiments ont dessous deux étages de cave voûtée. Les toits sont couverts de tuiles avec « chesneaux »** pour l’évacuation des eaux vers la grande cour qui passent aussi par deux gargouilles en pierre. La majeure partie des pièces ont une cheminée et sont « non plafonnées »***. Deux cuisines sont mentionnés ainsi que plusieurs cabinets d’aisance. Dans la grande cour, il y a un puits et une auge ainsi que deux petits hangars, une remise, une écurie et une petite serre. Cette description me permet de situer la maison, sur cet extrait du « Plan parcellaire du Cadastre de Paris, pour l’îlot 9 du quartier St-Honoré ». Il s’agit sûrement du N°33, en bleu.

C’est bien une grande maison et j’en connais déjà pas mal d’habitants, outre bien sûr le couple et leurs enfants, du moins jusqu’à leurs mariages, tous postérieurs à 1732, sauf celui de leur fille aînée. On apprend aussi, par le procès-verbal que Eustache LEGER, le mari de cette dernière, occupe une partie du corps de logis de l’arrière dans lequel il a effectué, à ses frais des travaux. Sur l’acte d’achat, il est précisé que trois baux sont en cours et seront poursuivis, pour Claude BOCQUILLON maître gantier, Etienne MARTIN, cordonnier et le Sr DEBAUCHUELLE, maître perruquier.

En remontant plus avant, comme Anne LEMERCIER a hérité de la moitié de la maison par donation entre vifs de sa mère, dès 1697 et l’autre moitié en 1722, j’ai tendance à penser, qu’étant célibataire, elle a tout de suite eu des locataires et donc que dès 1711, Catherine, ainsi que ses jeunes frères et sœurs y habitaient sans doute déjà avec leur mère, Marguerite TROUILLARD. Cette dernière était, à cette adresse, en 1720, quand sa mère, Catherine DROUET y décède. Et en 1733, date de son testament elle y est encore mais décédera à une autre adresse. Sur le partage de sa succession en 1742, je découvre que ses fils, Louis et Pierre Nicolas VIALASE de la COSTE, tous deux maîtres tailleurs d’habits, encore célibataires, habitent rue de l’Arbre-Sec, sûrement aussi dans cette maison.

François Dominique BARRAU, mon ancêtre et Marie Geneviève BOUTRON qu’il épouse en 1739, et plus tard leurs cinq filles, ont habité dans cette maison. Le 12 juillet 1746, François Dominique donne quittance à sa mère d’une somme de 4 000 livres qu’elle lui a remboursée pour « l’indemniser de tous les ajustements, changements, augmentations de boiseries, cloisons, parquets, alcoves, croisées, portes vitrées, cheminées avec chambranle de marbre, volets et contrevents que led(it) Sr BARRAU fils a fait faire en l’appartement et lieux qu’il occupe en la maison appartenant a lad(ite) veuve BARRAU au moyen de quoy tous lesd(its) ajustements, changements, augmentations […] appartiendront a lad(ite veuve BARRAU, comme toutes autres parties de lad(ite) maison ». Son épouse y décède en 1754. Par une tutelle de leurs enfants mineurs, en 1768, on apprend qu’il demeure « ordinairement rue de l’Arbre sec […] et de que fait est detenu en prison royale de Fort l’Evêque a Paris ». Ses trois plus jeunes filles émancipées d’âge, en 1766 et célibataires devaient y vivre encore, à proximité de leur grand-mère. J’ignore la cause et le temps de sa détention mais en 1774, il est à Melun.

En 1751, Catherine loue deux appartements, l’un dont je n’ai pas encore consulté l’acte de bail, à Ambroise ROUSSEAU, avocat au Parlement. L’autre est loué à Jean MAUREL, bourgeois de Paris et à Anne Catherine BOULLEMER, son épouse, moyennant un loyer annuel de 600 livres. Il s’agit d’un ensemble de sept pièces, de plain-pied, deux caves et quatre pièces au troisième étage, le tout dans dans le corps de logis du fond. La description de la maison avec des détails précis (certaines portes pleines à deux vanteaux avec des bordures dorées et des serrures, d’autres portes vitrées, une cheminée toute de marbre les autres de pierre avec tablette de marbre…) confirme que non seulement une grande partie des travaux nécessaires ont été réalisés mais que la maison a été embellie pour devenir une très belle maison

En 1763, Catherine fait un procès à sa voisine dont les tuyaux des cabinets d’aisance sont percés et le mur entre sa maison et celle de Catherine est lézardé ; ce qui fait que les boues des cabinets d’aisance arrivent chez elle ! On comprend qu’elle ait porté plainte. L’acte qui clôt le conflit, après réparations, situe la maison entre la rue des Fossés Saint-Germain-l’Auxerrois et la rue Bailleul. La voisine habite la première et jouxte, par l’arrière, la maison de Catherine et celle du voisin qui en a profité pour refaire également ses tuyaux et son mur, fait angle entre les deux. On repère bien ces trois maisons sur le plan parcellaire et sur cet extrait du Plan de Turgot. Cela confirme que la maison de Catherine est donc bien au N° 33. Dommage que l’on ne voit pas la façade mais on a une vue plongeante sur la grande cour et les différents corps de logis.

L’endroit où se situe la maison et celle des voisins, se trouvant au croisement de plusieurs feuilles (10,11, 14 et 15) du Plan de Turgot, merci à Arlette BROSSARD, de Généalogie-Paris, qui m’a fait ce montage.

Et c’est dans cette maison que Catherine décède, le 27 décembre 1773, âgée de 87 ans, dans l’un des deux corps de logis donnant sur la rue, mais je n’ai pas pu identifier lequel. Lors de l’inventaire après décès, on visite au second étage, une chambre, avec vue sur la rue, une antichambre et une salle de compagnie, avec vue sur la cour, et au troisième étage, une cuisine, la chambre de la cuisinière et une autre chambre, ainsi qu’une cave. Elle y a finit sa vie, accompagnée par Elisabeth PREVOST, femme de chambre, Nicolas HARDON, laquais et Marie CAVALIER (elle signe QUEVALIER), cuisinière. Tant au moment de l’inventaire qu’en 1779, lors du partage des biens de la succession, j’ai remarqué qu’aucun de ses enfants n’habitaient dans la maison. Celle-ci a été vendue par licitation, « avec les glaces et ornements », et adjugée à son gendre Claude DENUELLE, par sentence du 7 décembre 1775, pour la somme de 110 950 livres. Mais en 1779, il demeure rue de la Monnaie. Je ne sais pas jusqu’à quand la maison est restée ensuite dans la famille, n’ayant trouvé ni le décès de Claude DENUELLE ni celui de Marie Simone BARRAU, son épouse.

Bien sûr, j’ai eu envie de savoir si cette maison du N° 33 existait encore. Hélas ce n’est pas le cas. Comme on peut le voir sur ce plan parcellaire, de 1853-1854, elle a été impactée par le percement de la rue de Rivoli et complètement rasée ainsi que les maisons de ses deux voisins, cités en 1763. On apprend sur ce document que la parcelle cadastrale de la maison fait 556 m2 et qu’elle appartient à un Sr CUEL, demeurant rue de Picpus. L’actuel N° 33, c’est l’immeuble où se trouvait, dans mon enfance, « La Providence, spécialités pour baptêmes » qui a été construit, après ces travaux, sur l’espace ainsi libéré. Par contre les maisons des N° 35 et 37, dont la construction date d’avant 1800 et qu’il était prévu d’aligner ont résisté et sont mêmes depuis 1962, classées aux monuments historiques, de même que celle de la rue Bailleul, contiguë au N° 35.

En remontant le temps, deux collatéraux vécurent dans la rue

Le 29 mai 1708, Jean MINGUET, huissier ordinaire du Roi en son grand Conseil, épouse Geneviève MOREL, fille de mon ancêtre, Simon MOREL que l’on croisera dans un autre article. L’époux habite alors rue de l’Arbre-Sec mais je n’ai aucun indice me permettant de localiser cette maison et je ne sais si le couple y a vécu, plusieurs années.

Et le 16 janvier 1600, on retrouve, en cette rue, Étiennette LE HONGRE, épouse, en troisièmes noces de mon ancêtre Jean BONAMY, maître fourbisseur et garnisseur d’épées dont elle est la quatrième épouse. Il est procédé à « l’inventaire des biens à sa requête d’honorable femme Étiennette LE HONGRE, veuve de feu Louis BOURGEOIS, vivant Bourgeois de Paris, y demeurant en une chambre dépendant d’une maison sise à Paris rue de l’Arbre Sec où pendant pour enseigne les Quatre fils Aymon en la présence d’honorable homme Jean BONAMY maître fourbisseur et et garnisseur d’épées, Bourgeois de Paris, son fiancé en face de Notre Sainte Mère Église et en effet de la clause portée par le contrat de leur mariage fait et passé devant Des Quatrevaulx et Bourgeois, notaires à Paris en date du 12 décembre 1599. »

Et j’ai pu situer la maison où a lieu l’inventaire, grâce à son enseigne. Elle se trouvait à la hauteur du N° 52 qui est une maison réalisée, de 1717 à 1721, par l’architecte Pierre François GODOT pour André EYNAUD, marchand de vin du Roi. Elle occupe l’emplacement de deux vieilles maisons qui menaçaient ruine, l’une à l’enseigne des Quatre fils Aymon, l’autre à celle de l’Hermitage. Cette reconstruction a été considérée comme un exemple typique de remembrement urbain. La façade sur rue s’élève sur arcades destinée à abriter des boutiques. Elle a gardé toutes ses ferronneries et surtout, sur presque toute sa largeur, un grand balcon au premier étage, soutenu par des consoles ouvragées.

En 1776, le fils d’André EYNAUD vend l’hôtel au notaire MARMET qui le loua puis le vendit à Jacques François TRUDON, chancelier et cirier royal, échevin de Paris de 1774 à 1776. L’hôtel garde son nom depuis cette époque et est classé aux monuments historiques.

Et encore avant…

J’aime à revenir dans cette rue et j’ai eu un choc, le jour où j’ai découvert, les rez-de-chaussée du N° 44 et du 140 rue de Rivoli, éventrés. J’ai pensé à la tristesse qu’aurait eu mon père s’il avait vu ce qu’allait devenir les locaux de l’imprimerie MAULDE et RENOU, fondée en 1836, installée là en 1854 et dans laquelle il a travaillé pendant 51 ans mais qui hélas avait dû fermer depuis.

Mais quand j’ai vu qu’il y avait un chantier de l’INRAP, j’ai tout de suite demandé à mon fils, archéologue, de se renseigner. Et ce qu’il m’a appris de cette destruction qui a remplacé une imprimerie par Ikea, m’a un peu consolée. Les fouilles préventives ont permis de découvrir, qu’au-dessous, il y avait la première enceinte médiévale de Paris, datant du X0e-XIe siècle et dont il n’y avait ni vestige, ni écrit, juste une forte présomption.

Notes

Quelques termes d’architectures, croisés dans les actes

*Un « étage carré » est un étage aux parois verticales, par opposition aux étages mansardés.

**Un « chesnau » Le chéneau est un système qui permet l’écoulement de l’eau de pluie de la toiture. Le chéneau, à la différence de la gouttière suspendue et accrochée à la toiture par des crochets est un canal qui est posé directement sur le toit, à la base de la toiture ou entre deux versants.Les chéneaux sont souvent intégrés dans les corniches des toits, ce qui fait qu’on ne les voit pas directement du sol, contrairement à des gouttières suspendues.*

**Je n’ai pas trouvé la signification de « non plafonnée ». Peut-être est-ce pour dire que les poutres sont apparentes ?

Sources

Jacques HILLAIRET, « Dictionnaire historique des rues de Paris, tome 1 »

11 réflexions sur “A comme… rue de l’Arbre-Sec

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  5. Une façon très intéressante de découvrir l’histoire ancienne des rues de Paris et de ses habitants. J’ai beaucoup aimé la découverte de ce passé oublié mais qui redonne vie à nos racines.

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