G comme… rue Galande

Au fil du temps

Cette rue constituait jadis le commencement de l’ancienne voie romaine qui se dirigeait vers Lyon et Rome. Elle garde de nos jours un aspect médiéval par son tracé en courbe, ses trottoirs étroits, sa voie pavée et un bâti parfois très ancien. Elle prit vers 1202, le nom de Garlande (déformé peu à peu en Galande) car elle traversait le Clos Garlande, propriété de Mathilde de Garlande. Cette rue était aussi le chemin pour se rendre de la Cité aux abbayes de Sainte-Geneviève et Saint-Victor et aux nombreux villages du Quartier latin. En 1672, la largeur est portée à 8 m, c’était alors l’une des plus belles de Paris, habitée au XVIIIe siècle par des gens d’épée et de robe. La rue était longue de 230 m, contre 165 m aujourd’hui. La partie de la rue vers la place Maubert a en effet été supprimée par l’ouverture de la rue Lagrange. De nos jours, il demeure toujours quelques maisons à pans de bois et des lambeaux de la chapelle Saint-Blaise qui était le siège de la confrérie des maçons charpentiers.

Mes ancêtres qui y demeurèrent

L’histoire du Caveau des Oubliettes

Dès les début de ma recherche généalogique, ma mère m’avait dit que Le caveau des oubliettes, rue Galande, avait appartenu à la famille. Voilà une enquête à mener bien intrigante, de quoi s’agissait-il et comment était-il arrivé dans la famille ?

Si on tape « Caveau des Oubliettes », toutes les premières occurrences amènent à un cabaret, situé au 52 rue Galande, datant de plus d’un siècle, scène de musique live axée vers le Jazz, Blues, Soul, Groove, World Music…. dont il est dit qu’il serait installé dans les caves d’une ancienne prison médiévale. En creusant, on découvre que ces vestiges de cachot ont été transformés en 1920, en cabaret. Il était alors décoré de cages contenant les crânes des suppliciés, en plus d’abriter un musée de la torture présentant le complet outillage pour déchirer les chairs, des tisonniers. On raconte même qu’au-delà de la porte présente derrière la scène, les oubliettes continuent sur plusieurs mètres et qu’on peut encore y trouver des squelettes. Pas vraiment envie d’y aller…

Par la photo ci-dessous, je découvre aussi qu’il y avait, à l’arrière du Caveau des Oubliettes, avec une entrée au 1bis rue Saint-Julien-le-Pauvre, le « Musée historique de la Vieille chanson française » et que devant a été installée une guillotine qui était présentée comme authentique mais qui s’avérait être une copie.

Guillotine, maison historique de la Vieille chanson de France, 1bis rue Saint-Julien-le-Pauvre, Paris (Veme arr.). 1926-1936. Photographie anonyme. Paris, musée Carnavalet.

Je n’ai pas trouvé d’étude historique sur l’origine de cet endroit dont comme son nom l’indique, il aurait été une époque où l’on y entrait pour ne jamais en sortir. Mais j’ai pioché quelques informations plausibles. Ce nom viendrait de ce que ce lieu était une ancienne prison du Petit Châtelet. Lorsque Paris, encore resserré dans l’ île de la Cité, était entouré de toutes parts de murailles flanquées de grosses tours, on communiquait avec la plaine par deux ponts en bois. Dès le IXe siècle, sont construites deux forteresses pour protéger les deux ponts, le Grand Châtelet au niveau du Grand Pond et le Petit Châtelet au niveau du Petit Pont. Ce n’était d’abord que des œuvres en bois, car on lit dans les chroniqueurs de cette époque, que lors du siège de Paris par les Normands, la tour du Châtelet fut embrasée.

En 1198, Philippe Auguste entoura Paris d’ une ceinture de pierre et réédita le Grand et le Petit Châtelet qui se relia aux épaisses murailles du Clos des Garlandes et de la Vallée de Misère, Quai des Augustins. Il fait du Grand et du Petit Châtelet des prisons de droit commun. Philippe Auguste aurait fait creuser ces geôles pour y jeter les ennemis de la couronne et les adeptes de la magie noire. Sans plus de procès, une trappe s’ouvrait sous les pieds des coupables qui étaient précipités aux oubliettes, où ils croupissaient jusqu’à ce que le sous-sol soit inondé avec les eaux de la Seine voisine.

Il serait donc bien possible que les caves du Caveau des Oubliettes soient effectivement d’anciens cachots médiévaux, rattachés au petit-Châtelet. On peut encore apercevoir sur les murs de la cave des gravures qui seraient des graffitis des condamnés médiévaux. Authentiques ou gravés au moment de l’ouverture du cabaret, en 1920 ?

J’en sais un peu plus maintenant sur lieu étonnant et au passé lugubre, tant pour sa possible origine historique que pour la mise en scène assez macabre, lors de l’ouverture du cabaret et j’ai appris que le Caveau des Oubliettes est situé au 52 rue Galande. Il me restait à découvrir comment il est devenu, à une période, propriété de ma famille…

J’ai d’abord trouvé dans l’inventaire après-décès de mon ancêtre Pierre Henri KRABBE époux de Jeanne Angélique VIALAT, que « par testament olographe, en date du 13 février 1859, Rosalie Rosine KRABBE, veuve de Bernard Hippolyte CARDOT, décédée à Paris, le 19 août 1865, a institué pour légataire universel Pierre Henri KRABBE son frère ».

Et elle a « légué à titre particulier à Mesdames PELLETIER et FLANDRIN, ses nièces, conjointement entre elles la nue-propriété pour y réunir l’usufruit au décès de Mr KRABBE, leur père, d’une maison qu’elle possédait à Paris, rue Galande, N° 52, à la charge pour les dites légataires de servir à Mme KRABBE, leur mère, après le décès de son mari, une rente annuelle et viagère de huit cents francs. »

Voilà donc l’origine de la propriété ! J’ai bien trouvé, à la date dite, le testament, augmenté de deux codicilles de Rosalie KRABBE mais je n’ai pas trouvé d’inventaire après décès qui aurait pu m’apporter des informations pour savoir comment elle en était devenue propriétaire et peut être avoir plus ample description de la maison. Sans doute était-il inutile puisqu’elle léguait tous ses biens à son frère et ses filles, mais je n’ai pas trouvé non plus celui de son époux ?

Je suis restée un moment bloquée dans mes recherches jusqu’à ce que je trouve le partage, le 21 octobre 1908, de la succession de mes ancêtres,Charles PELLETIER et Victorine Thérèse Coralie KRABBE, l’une des deux nièces ci-dessus. L’acte confirme que dans la succession, il y a « la moitié d’une maison indivise à Paris, rue Galande, N° 52, louée en totalité à Madame veuve MAGNE, moyennant un loyer annuel de quatre mille francs plus diverses charges, estimée 32 000 francs ». Et plus loin dans l’acte, je découvre, « la somme de treize mille francs due par la succession de Mme PELLETIER à Mme Claudine Clémence BOITEUX veuve de Etienne CHAPARD, rentière, demeurant à Cannes, en vertu de deux actes reçus par le notaire DONNA, l’un en 1891 et l’autre en 1900, la dite somme garantie par hypothèque sur la maison à Paris, rue Galande, N° 52 et actuellement exigible et productrice d’intérêts à 4 % depuis le 1et octobre courant. » Et à l’issue du partage, j’apprends que mon arrière-grand-mère, Rosine Philiberte PELLETIER, épouse de François DUCOURNAU a abandonné sa part dans la maison, à sa sœur. Mélanie Philiberte PELLETIER, épouse de Joseph MONIN « aura la jouissance de la moitié de la rue Galande […] acquitera seule les charges dudit immeuble et paiera les intérêts de la dette CHAPARD à sa charge. »

Les informations ci-dessus, m’ont permis de chercher les actes par lesquels la maison a été hypothéquée, en garantie d’un prêt de 17 000 francs, fait par la veuve CHAPARD, non seulement à Charles PELLETIER et Victorine KRABBE mais aussi aux trois enfants de Alfred FLANDRIN et Rosine KRABBE, héritiers de leur mère. J’y fais de bien intéressantes découvertes.

On a tout d’abord la description de la maison « consistant en un corps de logis double en profondeur, éclairé sur la rue et sur la cour commune, élevé sur caves, d’un rez de chaussée de trois étages carrés et d’un quatrième en mansardes, avec greniers au-dessus, cour et puits commun ; le tout d’une contenance de cent mètres environ. »

On la repère bien sur ce plan.

L’acte prend en compte les risques d’expropriation, du fait des projets de réaménagement du pourtour de l’Eglise médiévale Saint-Julien-le Pauvre, construite à partir de 1160, sur le site de la basilique primitive, détruite en 886 par les Vikings et qui était très enclavée. C’est ce qui est arrivé à la maison voisine qui fait le coin et n’existe plus, remplacée par un square. Notre maison a-t-elle été épargnée par son passé historique ? Cela serait intéressant de retrouver des documents sur les travaux dans ce quartier…

Ce n’est donc pas simplement le Caveau des Oubliettes qui a appartenu à la famille mais tout l’immeuble qui comprend aussi actuellement la moitié de la boutique Le Chat huant qui se trouve à côté. Le N° 52 est d’ailleurs écrit au-dessus de la porte qui est entre des deux et qui ouvre sur le passage entre les deux corps de logis que l’on voit bien sur le plan.

L’acte reprend aussi l’historique des précédents propriétaires, sur quelques générations. Le 16 avril 1812, Nicolas MOUROT et Jeanne Victoire GRANDEMANCHE, son épouse en font l’acquisition, par adjudication, pour 19 000 francs, de l’administrateur des biens des hospices des départements de la Seine qui en étaient donc propriétaires. Cela va être difficile de remonter plus haut. Ensuite le couple la vend, le 24 avril 1815, à Alexis CARDOT et Nicole RIVET, sa femme. Et lors du partage, le 23 mars 1838, de la succession de celui-ci, elle revient à l’un de ses fils, Antoine Bernard Hippolyte CARDOT. C’est donc de son mari que Rosalie Rosine KRABBE en hérite, après le décès de celui-ci, le 16 juillet 1859 et en fera donation conjointement à ses nièces.

Mais que devient la maison ensuite ? Les enfants FLANDRIN sont propriétaires d’une moitié, suite au décès de leur mère, mais je ne sais ce qu’il advient ensuite de leur part. Mélanie Philiberte PELLETIER, épouse de Joseph MONIN, comme on l’a vu plus haut a reçu l’autre moitié dans la succession de ses parents. Donc à partir de là, mon grand-père et sa fratrie n’en sont plus héritiers puisque leur mère a abandonné sa part dans la maison à sa sœur.

Mais ce qui m’intrigue beaucoup, c’est un courrier du 15 août 1958, que ma grand-tante Juliette DUCOURNAU, la sœur de mon grand-père, écrit à ma mère. Elle lui dit qu’elle est enfin soulagée de « tous les embêtements avec ce maudit Caveau des Oubliettes, enfin, maintenant nous allons peut-être avoir un peu de quiétude car nous venons de le vendre à un prix très bas, mais comme on sous estimait les travaux à faire à environ un million cinq cents !!! nous sommes bien heureux d’en être débarrassés et nous attendons impatiemment de toucher l’argent qui est chez le notaire depuis 2 mois, cela nous semble plus long que les 4 ans passés à attendre la fin de cette affaire ! »

Comment en était-elle devenu propriétaire ? Cela reste une énigme que je doute de pouvoir résoudre. En a t-elle hérité quand même, peut-être par sa tante Mélanie dont je n’ai pas l’inventaire après décès ni le partage, bien que celle-ci ait un fils et des enfants de son premier mariage ? Ceci dit elle ne parle pas, dans sa lettre, du 52 rue Galande mais uniquement du Caveau des Oubliettes, alors j’ai quand même une petite idée mais qui n’est vraiment qu’une hypothèse. Ma grande-tante Juliette, la seule que j’ai davantage connue a vécu une histoire romanesque. Elle était la petite dernière, née en 1891 et restée célibataire jusqu’au jour où, je ne sais dans quelles circonstances, elle rencontre Michel Louis Gaston LAHAYE, né en 1913, brocanteur et c’est le grand coup de foudre entre les deux. Il était marié et divorce, le 17 novembre 1950 pour épouser Juliette, le 26 décembre 1950. Elle avait cinquante neuf ans et lui en avait trente sept ! J’imagine que peut-être, le Caveau des Oubliettes a été mis en vente, par un membre de la famille, et que le lieu a pu beaucoup plaire à son mari, brocanteur et qu’ils en ont fait l’acquisition, sur un coup de cœur sans estimer les frais à venir…

En remontant dans le temps

Le 17 juin 1669, François de La ROCQUE, procureur au Châtelet, fils de mes ancêtres, Jean de la ROCQUE et Denise PAPIN, contracte mariage avec Françoise MORANT, fille de Louis, marchand boulanger, bourgeois de Paris et de Françoise DANNELLE. Le futur époux habite rue des Noyers et la famille de la future épouse, demeure rue Galande.

Le couple a dû vivre à cette adresse car on y retrouve François de La ROQUE, lors de l’inventaire après décès de sa mère, Denise PAPIN, le 2 janvier 1691.

Le 30 mars 1551, mon ancêtre Nicolas VARLOT, orfèvre, demeurant rue Galande, vend des vignes, situées à Saint Marcel, à Martin PELLIER. Et quelques mois plus tard, le 29 juin 1551, il contracte mariage avec Marie BULLE, fille de Jehan BULLE, maître maçon, bourgeois de Paris et de Marguerite THEVENART. J’ignore si le couple a vécu à cette adresse.

Sources et pistes

Jacques HILLAIRET, « Dictionnaire historique des rues de Paris, tome 1 »

Blog de l’Association « Un Chemin Historique et Touristique en Ile-de-France »

Et un clin d’œil à deux articles du Challenge AZ 2023, du blog « defranceetdaieux » sur lequel je suis tombée par hasard, quand je me suis inscrite, sur Geneatech et qui m’ont beaucoup intéressée. Allez les voir ici et pour en appendre encore bien plus sur la rue Galande.

3 réflexions sur “G comme… rue Galande

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