Au fil du temps
C’est une avenue du 16e arrondissement. Elle part de la Place Charles-de-Gaulle et arrive sur la place du Trocadéro et du 11-novembre. Elle a son origine dans l’aménagement du boulevard extérieur au mur d’octroi des Fermiers Généraux décidé par ordonnance du Bureau des Finances du 16 janvier 1789. Son nom vient de Jean-Baptiste Kléber (1753-1800), général français qui s’est illustré lors des guerres de la Révolution française. Ce boulevard était situé dans l’ancienne commune de Passy jusqu’à son annexion à la ville de Paris en 1860 et la voie fut rattachée à la voirie parisienne par un décret du 23 mai 1863.

Mes ancêtres qui y demeurèrent

En fait je ne vais pas parler d’un ancêtre mais de quelqu’un qui a beaucoup compté pour ma mère, c’est son parrain, Pierre Jean Baptiste Gabriel RICHOU. C’était un ami de mon grand-père, Albert DUCOURNAU. Ils se sont croisés pendant leurs études de médecine.
Il est né 16 septembre 1878, 55 avenue Malakoff, dans le 16e arrondissement, fils de Georges René Pierre, ingénieur des Arts et Manufactures, Chevalier de la Légion d’Honneur, et de Toribe Marie Adrienna HONTANG. Il a eu un petit frère, né le 12 septembre 1885, 93 avenue Kléber mais qui malheureusement est décédé à 7 ans.
Après ses études de médecine générale, il s’est spécialisé comme oto-rhino-laryngologiste. Sa thèse « Contribution à l’étude du cancer du sinus maxillaire » a été publié en 1905.

Il est resté célibataire et a habité au 61 avenue Kléber, au moins en 1898, lors du Conseil de révision, en 1921, comme mentionné sur sa carte d’électeur et il y était encore domicilié au moment de son décès, en 1951. Sans doute est-ce aussi là qu’il avait son cabinet médical. On pourrait penser qu’il était casanier mais ce n’est pas du tout le cas… Il avait de nombreuses passions qu’il partageait avec ses amis : l’automobile, la photographie, les voyages mais aussi la chasse, le canotage, l’équitation… Si je sais tout cela, c’est parce qu’il a légué à sa filleule tout son équipement photographique ainsi qu’environ 3 500 photos sur plaques de verre qu’il avait faites entre ses toutes premières en 1898, à 20 ans, et 1938. Après la guerre, il n’en a plus fait.
Il avait deux appareils photos dont ma mère a fait don au Musée de la Photographie de Bièvre. Au moins l’un d’eux était un appareil stéréoscopique. À la fin du XIXe siècle et jusque dans les années 30, les amateurs découvrent la pratique de la photographie stéréoscopique grâce à plusieurs avancées technologiques préalables. Dans les débuts, les plaques de verre étaient recouvertes au collodion humide, il n’y avait pas une minute à perdre car le collodion ne devait pas sécher sinon il devenait imperméable aux solutions de développement. Les opérations étaient à faire sur le terrain même, depuis la préparation de la plaque jusqu’au tirage final du cliché. En 1881, à l’âge de 17 ans, Louis Lumière améliore un procédé de plaques sèches au gélatino-bromure d’argent, découvert en 1871 par Richard Leach Maddox, et met au point une plaque photographique instantanée prête à l’emploi. La plaque de verre est enduite de tous les ingrédients nécessaires (gélatine, bromure de potassium et nitrate d’argent) et la sensibilité s’en trouve accrue. Elle s’utilise sèche, d’où son nom de « plaque sèche ». Les émulsions sont préparées industriellement et vendues prêtes à l’emploi. Les temps de pose permettent de faire de la photographie « instantanée ». Cette technique va révolutionner l’industrie de la photographie et surtout la pratique amateur qui va toucher un plus large public.

Les premiers appareils photographiques stéréo ont été construits en 1849. L’appareil stéréoscopique des pionniers est fabriqué par des ébénistes, un même corps, soigneusement construit, rassemble les deux chambres séparées par une cloison verticale médiane. Il appartient à l’usager de choisir ses objectifs. En 1893, Jules Richard inventa un nouvel appareil stéréoscopique, le Vérascope. Jusqu’alors les appareils stéréoscopiques étaient lourds et difficiles à mettre en œuvre ; il introduisit un nouveau format de 45 x 107 mm qui permettait de gagner beaucoup de poids et de volume.

Une plaque stéréoscopique est obtenue au moyen de deux objectifs séparés d’une distance équivalente à celle comprise entre les yeux. Elle comporte donc deux clichés pris au même instant, mais aux cadrages légèrement décalés. La vue gauche restitue la perception de l’œil gauche, celle de droite la perception de l’œil droit. Une fois insérée dans une visionneuse binoculaire, le cerveau concentre les deux images en une seule et recrée les conditions d’une vision tridimensionnelle. À l’instar d’une vue de lanterne magique ou d’une diapositive, la vue stéréoscopique est regardée par transparence. Il suffit de diriger le stéréoscope vers la lumière, et la magie opère, ranimant la sensation de relief.

Mais le plus formidable, c’est que Pierre RICHOU a légué à ma mère, non seulement ses appareils photos et ses plaques de verre, mais aussi son « Taxiphote », cet appareil qui permet de voir les photos en relief. C’est vraiment magique d’admirer ces paysages, ces monuments dans différentes teintes de sépia, au rendu très net, et avec le relief on a vraiment l’impression d’entrer dans la photo. Quand nous étions enfants, nous aimions beaucoup les regarder. J’ai vraiment été très heureuse que mon frère me laisse la garde de ce trésor familial après le décès de mes parents. Chaque fois que mes petits-enfants viennent, c’est rare qu’ils ne demandent pas à en voir une boîte. Mais c’est Grand-mère qui manipule et fait avancer les photos car la mécanique a quand même 120 ans.

Les photos, sont rangées dans des casiers qui en contiennent 25 et ceux-ci, par quatre, dans des tiroirs. Le meuble contient 14 de ces tiroirs. Les autres sont par quatre dans des boîtes en carton/bois mais qui hélas auraient besoin d’être refaites avant de pouvoir, sans risque, manipuler leurs tiroirs. Et toutes ses photos sont légendées et datées au moins sur le casier. Un petit taquet sur le Taxiphote permet, quand on l’abaisse de lire la légende, pour savoir ce qu’il y a sur la photo que l’on regarde.
Dans ses 3 500 photos, j’ai découvert tous ses nombreux voyages et activités de loisir. J’ai envie d’en faire découvrir quelques unes ici, mais je ne vais mettre qu’un des côtés des plaques et les légendes pour qu’elles soient mieux visibles, surtout sur mobile. J’ai un scanner à dos lumineux pour les numériser mais bien sûr, on perd le relief et aussi beaucoup de luminosité. Il existe maintenant des logiciels qui permettent de scanner les photos de telle manière qu’on puisse les regarder ensuite soit avec des lunettes spéciales soit sur des écrans d’ordinateur qui restituent le relief. Cela permettrait de partager beaucoup plus ce trésor mais demanderait un énorme travail au moins aussi chronophage que la généalogie et qui me motive moins. Je laisse cette tâche à mes descendants, plus doués que moi en informatique et en traitement des photos…
Ce sont surtout des photos de paysages et de monuments qu’il a pris, il y a moins souvent de personnes dans les rues. Il a sillonné toutes les régions de France à part peut-être le Nord dont je n’ai trouvé que deux ou trois photos, mais il a dû y passer quand même puisqu’il a fait au moins deux voyages en Belgique dont un jusqu’aux Pays-Bas.


Au top de ses régions préférées, il semble y avoir la Bretagne…


et aussi la Provence, les Alpes, la Normandie, l’Alsace…


Il est allé une fois en Espagne et deux fois en Algérie où là ses photos sont vraiment très vivantes. On sent qu’il a eu envie de rendre compte de costumes, de coutumes différents.


J’ai trouvé aussi des photos de son pavillon de La Jolive, dans le Loiret avec ses amis chasseurs, ou encore celles de canotage sur l’Oise, ou des familles à qui il rend visite. Mais hélas je ne connais aucun de ses amis.


Il n’y a qu’un seul casier dans lequel j’ai retrouvé des photos de ma famille, lors d’un séjour à Saint-Georges-de-Didonne où il avait emmené mes grands-parents, mon oncle et ma mère. Mais curieusement celles-ci ne sont pas toutes en sépia.


On peut aussi à travers ces photos suivre l’évolution automobile avec des photos du Paris-Berlin de 1901 – j’ai du mal à savoir s’il y a participé – jusqu’aux voitures plus grosses et luxueuses d’avant-guerre, comme celles sur la photo de La Jolive.


Par contre, il a très peu photographié Paris, mais c’est vrai que quand il y était c’était pour travailler. Il y en a quelques unes des inondations de 1910, de l’exposition universelle de 1900 et davantage de l’exposition coloniale de 1931.


Dans la collection, il y en a certaines qui ont été prises par des amis avec lesquels il a fait ces voyages, et qui lui en ont fait des doubles, car elles ont un nom écrit au bas de la légende. Notamment, une très belle série sur la Mer de Glace, en 1901. Ma mère m’avait dit que plusieurs de ses photos ont été publiées dans la Revue du Touring-Club de France dont il était membre.
Pierre RICHOU, est décédé le 14 septembre 1951, à Neuilly-sur-Seine.

Je n’avais que deux ans et ne l’ai donc pas connu. Mais il est toujours là, présent dans mon intérieur avec ce magnifique cadeau qu’il nous a légué. Toute la famille se souvient de lui.
Sources
Jacques HILLAIRET, « Dictionnaire historique des rues de Paris, tome 1 »
Wow, c’est magnifique, cette collection de photos !
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Ces photos sont de précieux documents historiques qui pourraient intéresser beaucoup de personnes.
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