Benoist MARTIN et Susanne COLLOMBE, 1ère partie

Voici mon article pour le défi #rameauxcachés de ce mois. Ces ancêtres sont vraiment à la cime de mon arbre puisque ce sont mes Sosas 28 530 et 28 531, à la 15e génération. Je les ai découverts, depuis peu, grâce au formidable travail de relevés d’actes notariés, réalisé par les bénévoles du Cercle Généalogique des Alpes de Haute-Provence, auquel j’ai adhéré, cette année. C’est la première COLLOMBE que je trouve dans mon arbre. Et bien que MARTIN soit le patronyme le plus fréquent, j’en ai très peu, parmi mes ascendants. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, hormis ce Benoîst, je n’ai, perchés sur deux autres branchettes, à la même époque, qu’une Jaumette MARTINE et une Françoise MARTINE, fille d’Esperit MARTIN.

J’ai découvert l’existence de ce couple, grâce au relevé du contrat de mariage d’Estienne MARTEL et de Delphine MARTINE, passé à Manosque, le 27 janvier 1618. L’époux est dit fils de feu Jehan et l’épouse est la fille de Benoist MARTIN et de feue Susanne COLLOMBE.

Extrait de la Carte de Cassini

J’ai bien sûr eu envie d’en savoir plus sur Delphine et ses parents. Mais je n’ai malheureusement trouvé pour eux, ni mariage, ni contrat de mariage, ni testament. Je sais juste que Benoist est décédé le 21 mars 1626, mais j’ignore à quel âge. Il a été enseveli dans l’église Notre-Dame de Romigier de Manosque. Cette église existait déjà avant le pillage de la ville par les Sarrasins, en 900. Détruite, elle fut reconstruite au Xe siècle.

Église Notre Dame de Romigier, Manosque –
© Raimond Spekking (via Wikimedia Commons)

Protectrice de la ville et de ses habitants, la Vierge Noire de Romigier a toujours été vénérée par les Manosquins. La légende veut qu’elle soit sortie de terre au Xe siècle, découverte par un laboureur dont les bœufs s’arrêtèrent devant un buisson de ronces. En creusant la terre, un magnifique sarcophage antique, fut exhumé avec, à l’intérieur, la statue intacte. Toujours selon la tradition, cette statue aurait été cachée là pour la protéger des invasions des Sarrasins… Comme elle a été découverte sous un buisson de ronces, « roumi », en provençal, elle fut surnommée Notre-Dame de Romigier, nom qui fut aussi donné à l’église. Cette Vierge Noire était particulièrement invoquée pour protéger les femmes en couches, pour redonner la vie aux enfants mort-nés et contre les chutes mortelles. À l’origine cette sculpture de bois n’était pas « noire » mais peinte puisqu’une restauration récente a laissé apparaître des traces de polychromie.

J’ai commencé par chercher la naissance de Delphine. Si je sais qu’elle est décédée le 28 mars 1654, à Manosque, l’acte de sépulture ne mentionne pas son âge qui aurait pu guider mes recherches. Ne sachant pas les années qui ont été relevées et mises sur Geneabank ou celles trouvées sur Geneanet, transcrits par Ancestry, j’ai voulu chercher de manière plus exhaustive. Surtout que si ceux, faits par des bénévoles qui connaissent bien les patronymes de la commune qu’ils dépouillent, sont fiables, je suis quasi sûre que la transcription d’Ancestry est faite par une IA. Cela peut faire passer à côté d’informations précieuses, en donnant des lectures complètement farfelues, comme cette Alyonne BREMONDE épouse d’un Benoist MARTIN, devenue Alzenade EXAMONDE ! J’ai donc préféré prendre le temps de parcourir, page après page, les gros registres de Notre-Dame, de 1580 à 1607. Malheureusement, à ce jour, je ne l’ai pas encore dénichée. Par contre, j’ai été ravie de lui découvrir neuf frères et sœurs pour lesquels je me suis attachée à noter les parrains et marraines, pistes précieuses pour remonter une ascendance. Tous les enfants, sauf les deux dernières filles ont été baptisés dans cette église.

  • Laure a été baptisée le 8 octobre 1583, portée par Jehan POURCIN et Laure COLOMBE.
  • Honorade a été nommée, le 13 février 1585 par Jehan POURCIN, de Villemus et Jehanne COLOMBE, fille de Maistre COLOMBY, médecin.
  • Pierre est baptisé le 7 février 1588 et ses parrain et marraine sont Jacques COLOMBY de Brignoles et Anne MOLLETTE, femme de Pierre REYNAUD, de Saint-Martin-de-Renacas.
  • Jehan André a reçu le baptême, le 24 juillet 1594, avec André POURCIN, « Maistre nouthaire de Villemus » et Isabeau COLLOMBE
  • Honorade est portée sur les fonds baptismaux, le 18 mars 1597, par Loys MARTIN et Honorade ROUBARDE. Elle épouse, par contrat du 7 mai 1626, Estienne TRABUC.
  • George est baptisé en janvier 1600 et nommé par George EYMAR et Jeanne GRANIERE. Il contracte mariage, le 6 juin 1624 avec Isabeau AUDIBERTE, puis le 7 mai 1635 avec Marguerite LANTEAUME.
  • Isabeau reçoit le baptême, le 8 mai 1603, avec Jehan BELLOY et Isabeau COULLOMBE.

C’est à l’église Saint-Sauveur, une autre paroisse de Manosque que j’ai trouvé deux jumelles.

  • Françoise et Anne, baptisées le 26 avril 1607, nommée, la première, par Joseph ANDRE et Françoise CABANES et la seconde par Jean Paul CESTIER et Anthonone SELLONNE dont j’ai découvert qu’elle est la femme de Honoré COLOMBY. Anne se marie, suivant le contrat passé le 11 février 1640, avec Esperit COPPIER.

Mais où et quand est donc née ma petite Delphine ? Au regard de ce que j’ai trouvé, elle devrait être parmi les aînées puisqu’elle est la première à se marier. J’ai donc poursuivi mes recherches à Saint-Sauveur, où sont nées les jumelles, dans les trous entre les autres naissances, sans plus de succès. Mais il est vrai que, selon les curés, surtout à cette époque, les actes sont plus ou moins faciles à déchiffrer et j’ai pu passer à côté sans la voir… Cependant, l’absence de naissances entre 1588 et 1594, m’a amenée à me demander, si un évènement particulier aurait pu se passer durant cette période et j’ai été bouleversée par ce que mes ancêtres ont eu à vivre.

la terrible peste de 1591

Au début du XVIe siècle, la population de Manosque avait beaucoup augmenté, notamment par la présence de soldats à cause des guerres de religion, et devait être autour de 10 000 habitants. Mais en 1591, une épidémie de peste s’est déclarée dans la ville et a été beaucoup plus importante que celles des siècles précédents, emportant environ 4 000 personnes, ce qui correspondait à près de la moitié des habitants. Un registre des délibérations du conseil rend compte de ses évènements.

« Le 4 novembre 1591 on décide de faire un cimetière et de bâtir une chapelle au lieu de l’Infirmerie où les morts de peste sont ensevelis au nombre de plus de quatre mille. A cause, dit la délibération de ce jour, qu’à une terre d’Olivier Roche ont été enterrés par les portefaix, quatre mille citoyens et habitants de ladite commune, afin que, comme chrétiens, ils ne demeurent pas en terre profane. Le conseil ordonne de prendre la quantité de terre où ils furent inhumés pour la dédier et consacrer en cimetière et y faire une chapelle aux dépens de la communauté pour prier Dieu à l’avenir, pour l’âme des trépassés, à la louange de Dieu. » (extrait de ce registre étudié dans un article « Les Annales de Notre-Dame », du début XXe) (1)

J’ai bien peur que les deux aînées, Laure et Honorade, alors âgées de huit et six ans et dont je n’ai pas trouvé le mariage, aient hélas succombé à cette terrible maladie. Le petit Pierre qui n’avait que trois ans a lui survécu car j’ai eu le soulagement de le retrouver, comme témoin, en 1626, au mariage de sa sœur.

J’ai ressenti combien, la mémoire de cette dramatique année, a dû être dans toutes les pensées quand une nouvelle épidémie a eu lieu en 1720, amenant les consuls à prendre tout de suite des mesures préventives, comme je l’ai raconté dans ma lettre à Hélène DAUMASSE.

Du coup je me suis demandé si la famille n’avait pas quitté Manosque entre 1591 et 1594 et si la naissance de Delphine n’avait pas eu lieu ailleurs, dans une commune dont les registres n’ont pas encore été relevés. Mais, alors vers où chercher ?

Benoist, couturier puis drapier

Ces naissances m’ont cependant permis d’en apprendre plus sur Benoist MARTIN et Susanne COLLOMBE. Ils se sont donc mariés avant 1583 et ont eu au moins 24 ans de vie commune. À la naissance de leur seconde fille, en 1585, le père est nommé « Maistre Benoist couturier » et à celle de son fils Pierre, en 1588, il est dit « drapier ».

Le drapier – Der Tuchmacher Wentzel, Jean Frédéric (1807-1869) – Gallica

Le drapier est un marchand qui à la fois contrôle la filière de production des draps de laine et en organise la commercialisation. Il achète le tissu grossier auprès de tisserands et le transforme en produit fini en trois grandes étapes en confiant les opérations de fabrication aux artisans spécialisés

  • le lissage (enlever les nœuds)
  • le foulage (battre la laine tissée dans de la terre à foulon (sorte d’argile) pour l’assouplir et la dégraisser)
  • la teinture (donner la couleur voulue au tissu)

Pour assurer la commercialisation, en dehors de la ville, c’est aux muletiers qu’il va s’adresser.

C’est un métier prospère qui a eu un statut dès 1188 et le commerce de draps s’est beaucoup développé à la Renaissance. La famille devait donc avoir des biens. On peut aussi situer leur statut social en lisant l’acte de naissance de Pierre, le premier fils. En plus du parrain et de la marraine, est présent Jacques GIRAUDI, notaire royal de Manosque. Cela m’étonne d’autant plus de ne pas avoir trouvé de contrat de mariage, pour Benoist et Susanne, mais il existe peut-être quelque part et pas encore relevé.

Comment aller plus loin ?

Je n’ai trouvé aucun Benedictus ni aucune Susanna, dans l’index des baptêmes, en latin, par prénoms, de 1540 à 1568 (pour le S, la fin de l’index étant manquante) et 1540 à 1578 (pour le B), du registre des baptêmes de Notre-Dame. Par ailleurs aucun lien de parenté n’est mentionné pour les parrains et marraines. Pour tenter de remonter, cependant, l’ascendance de Benoist et Susanne, j’ai donc cherché à identifier qui étaient les parrains et marraines, en me centrant prioritairement sur ceux qui portent les patronymes de mes ancêtres. J’ai fouillé pour trouver d’éventuels naissances et mariages les concernant puis voir s’ils avaient eu des enfants dont les parrains et marraines auraient été des membres de ma famille. Dans cette quête qui oblige à suivre plusieurs pistes avant de trouver peut-être une éventuelle, j’ai eu la très heureuse surprise de découvrir qu’au fur et à mesure que j’utilisais mes points sur Geneabank sur lequel le CGAHP dépose ces relevés – et il m’en a fallu beaucoup – une main invisible et bienveillante m’en rajoutait… Je me sentais accompagnée dans mes recherches. Un grand merci au Cercle Généalogique des Alpes de Haute-Provence.

Mais pour ne pas vous perdre en chemin, chers lecteurs, je vais vous raconter tout cela dans un deuxième article. À suivre…

Sources

(1) Manosque, de sa fondation à la Révolution française de 1789 – Association Manosquaise de Recherches Historiques et Naturelles

Les draps de laine, leur fabrication et leur transport en Haute-Provence du XVIIe au XIXe siècle.

2 réflexions sur “Benoist MARTIN et Susanne COLLOMBE, 1ère partie

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