Voici mon article pour le défi #rameauxcachés de ce mois. Ces ancêtres sont à nouveau à la cime de mon arbre puisque ce sont mes Sosas 28534 et 28535, à la 15e génération. Et nous restons dans les Alpes de Haute Provence. Je les ai découverts, depuis peu, grâce au formidable travail de relevés d’actes notariés, réalisé par les bénévoles du Cercle Généalogique des Alpes de Haute-Provence.
Le couple
C’est par leur contrat de mariage, passé à Manosque, le 21 mai 1595 que j’en ai découvert un peu plus sur eux.

« mariage entre Jacques CHASSEL fils legitime et naturel de feu André CHASSEL et Doulce VIEILHE de ceste ville de Manaosque et Catherine COPPIERE fille legitime et naturelle de Claude COPPIER m(aist)re bastier et Alayette MAURELLE de Sainct Michel ». Je n’ai malheureusement pas réussi, pour l’instant, à transcrire tout l’acte, d’une belle écriture mais bien difficile à lire. J’ai juste cru comprendre que la dot de Catherine se montait à 150 florins mais il est aussi question de trousseau. Comme on va le voir, plus loin, les parents de Catherine s’étant mariés en 1575, cette dernière avait donc moins de 20 ans à son mariage en 1595.

J’ai un peu de mal à lire « Jacques » devant la signature CHASSEL mais ce doit cependant être la sienne car il n’y a pas d’autre CHASSEL, cité dans l’acte.
Leurs parents
Je n’en sais guère plus sur les parents de Jacques CHASSEL si ce n’est qu’ils ont eu au moins une autre enfant, Marguerite qui se marie, par contrat, passé à Manosque, le 8 février 1585, avec Gaspard DAUMAS. À cette date, son père, André, est déjà décédé. Sa mère, Doulce VIEILHE qui semble toujours en vie au mariage de Jacques, aura donc survécu au moins dix ans à son mari. Sont-ils tous natifs de Manosque où ont eu lieu les deux contrats de mariages ? Ce n’est pas sûr car, sur Geneanet, je n’ai guère vu, dans cette ville, de CHASSEL/CHASSELLE, contemporains et aucun VIEILHE/VIEIL.
Marguerite et Gaspard ont-ils eu des enfants ? Le 5 août 1591, Marguerite fait son testament, à Manosque, et son époux est alors décédé. A-t-il succombé à la terrible épidémie de peste qui a emporté, cette année-là, 4 000 manosquins sur les 10 000 habitants que comptait Manosque, à cette époque ? Marguerite se sentait-elle à son tour très malade, avaient-ils eu des enfants qui ont aussi succombé ? Dans son testament, sont cités comme héritiers, son frère Jacques CHASSEL et ses belles-sœurs, Françoise et Esperite DAUMASSE. C’est par ce testament que j’ai pu relier Marguerite à son frère et j’ignore si elle y a survécu. Avaient-ils d’autres frères et sœurs que l’épidémie aurait aussi emportés ?
J’en connais plus sur les parents de Catherine COPPIERE puisque j’ai retrouvé leur contrat de mariage, le 24 mai 1575, toujours à Manosque.


Son père Claude COPPIER, fils de défunt Balthezard, est originaire de Saint-Michel – aujourd’hui Saint-Michel-de-l’Observatoire, situé à 18 km de Manosque. Il signe d’une écriture assurée et nous offre une autre écriture de son prénom.

Sa mère Alayette MAURELLE, fille de feu Anthoine MAUREL, est originaire de Dauphin, village qui jouxte Saint-Michel.

Dauphin est l’un des beaux villages perchés que j’ai eu le bonheur de découvrir. Au Moyen Âge, le village a été occupé sur les hauteurs déjà couronnées d’un château fort dont il reste des tours et une partie des remparts. La plaine qui s’étend au pied du village est traversée par la voie Domitienne « Chemin Seinet » qui relie l’Espagne à l’Italie.
Claude et Alayette se sont sans doute mariés dans cette église Saint-Martin de Dauphin qui occupe l’emplacement de la chapelle du château et date du XIIe et XVIe siècles. Mais pas sûr qu’alors, le clocher avait ces élégantes tuiles écailles vertes. Malheureusement, comme dans tous les villages que j’ai visités, l’église était fermée et je n’ai pas pu voir sa voûte remarquable en croisés d’ogives et son très bel orgue baroque.
Je ne leur ai, pour l’instant, pas trouvé d’autres enfants que Catherine et j’ignore quand ils sont décédés.
Leurs enfants
Je leur connais au moins trois filles qui ont toutes été baptisées en l’église Saint-Sauveur de Manosque.
L’aînée est mon ancêtre, Magdallene CHASSELLE, née le 5 juillet 1598. Elle épouse, selon son contrat de mariage, le 15 juillet 1618, à Manosque, Antoine GIRARD, fils de Sebastian et Anne BOLETTE. Elle a tout juste 20 ans. Je leur connais quatre enfants, baptisés en l’église Notre-Dame-de-Romigier de Manosque. Jane est née en 1621, mon ancêtre Marguerite, vers 1626, Joseph a vu le jour en 1623 et Jacques en 1632. Magdallene décède, le 1er octobre 1636, à Manosque où elle a été « ensevelie en l’église de l’Observance », c’est-à-dire dans la chapelle du Couvent des Observantins. Peut-être habitait-elle auprès. Elle n’a que 38 ans.

Puis dans la famille CHASSEL, viendront au monde, Margarite en 1607 et Catarine, en 1609. Cette dernière décède le 21 juillet 1625, elle a 16 ans. J’ignore ce qu’est devenue Margarite.

Leur fin de vie
Je n’ai pas trouvé le décès de Jacques et Catherine, mais je sais que tous les deux ont vécu au moins jusqu’en 1644. J’ai été heureuse de découvrir qu’ils sont cités sur le relevé – je n’ai pas encore pu lire l’acte – du contrat de mariage de leur petite-fille, mon ancêtre, Marguerite GIRARDE avec Elzias MARTEL, le 31 juillet 1644. Jacques CHASSEAU – version parfois rencontré du patronyme – et Catherine COUPIERE – écriture également croisée – sont dits « ayeuls » et témoins de la future épouse.
Le métier de bastier
Sur le contrat de mariage de Jacques CHASSEL, il est mentionné que Claude COPPIER, le père de Catherine, est maître bastier, le métier de l’époux n’est pas indiqué. Mais sur le contrat de mariage de sa fille, en 1618, il est lui aussi bastier. Sans doute s’est-il formé avec son beau-père, maître, d’autant que j’ai cru déchiffrer dans le contrat que ce dernier apportait en dot des marchandises utiles à l’état de bastier. Parmi les témoins du contrat, j’ai noté Marquet THOMAS, de même profession.

Le bastier est l’artisan qui fabrique des bâts destinés aux ânes et aux mulets. Ils sont fabriqués avec du cuir de vache, de la bourre, de la toile grossière de chanvre mais aussi du bois. Il est donc tout à la fois bourrelier et boisselier. Son savoir-faire est important dans cette région, souvent escarpée. Le mulet a été pendant très longtemps le principal moyen de transport des marchandises.

« Le mulet est de la plus grande utilité dans ces montagnes, où il y a très peu de routes praticables pour le roulage ; cet animal fort et courageux supporte une charge de cinq à six cent livres ; on le nourrit avec une grande facilité et il peut demeurer près d’un jour sans boire ni manger. Il est la seule monture qui offre quelque sûreté dans les passages difficiles ; jamais il ne se trompe ; et quoiqu’il aille toujours sur le bord des précipices et qu’il semble toujours choisir les endroits les plus périlleux, on peut se confier à lui sans danger. […] On fait avec cette monture à peu près une lieue de Provence par heure. Le conducteur le suit à pied. » (1)
Pendant ce temps
Comme cela est mentionné au début du contrat de mariage de Claude COPPIER et Alayette MAURELLE, en 1575, c’est alors le règne d’Henri III, roi de France et de Pologne, comte de Provence, Forcalquier et terres adjacentes. C’est en 1487 que le Comté de Provence a été rattaché à la France.

Henri de Valois, duc d’Anjou, est monté sur le trône en 1574, succédant à son frère Charles IX, en prenant le nom de Henri III. Quatre guerres de Religion se déroulent sous son règne Il doit faire face à des partis politiques et religieux soutenus par des puissances étrangères qui finissent par venir à bout de son autorité : le parti des Malcontents le parti des protestants et, enfin, la Ligue catholique. Henri III meurt en 1589 à Saint-Cloud, poignardé par le dominicain Jacques Clément qui voulait venger le chef de la Ligue, le duc Henri Ier de Guise, assassiné sur ordre royal l’année précédente. Dans toute la Provence, de nombreux affrontements, ont eu lieu, à cette période, entre les catholiques et les protestants.
C’est Henri de Bourbon, roi de Navarre qui monte sur le trône, sous le nom de Henri IV, le 2 août 1589. Il abjure le protestantisme en 1593, est sacré à Chartres en 1594, et obtient l’absolution du pape en 1595, année du mariage de Jacques CHASSEL et Catherine COPPIERE. C’est donc sous son règne qu’ils auront vécu la terrible épidémie de peste, se marieront et donneront naissance à leurs filles. Ils connaîtront la fin des guerres de Religion, par la promulgation de l’Edit de Nantes, le 13 avril 1598 et une vie plus paisible, le règne d’Henri IV, étant marqué par le rétablissement de l’autorité royale, la pacification du royaume et un redressement économique et administratif, grâce notamment à Sully.
Après l’assassinat d’Henri IV, par Ravaillac, le 14 mai 1610, c’est le jeune Louis XIII qui lui succède mais il n’a alors que huit ans et demi. Le pouvoir est alors assuré par sa mère, Marie de Médicis qui gouverne le Royaume comme régente. Peu après la déclaration de majorité de Louis XIII, les états généraux de 1614 se tinrent à Paris. Comment l’élection des députés du Tiers état a-t-elle été suivie à Manosque, dans cette ville dont la charte, promulguée, en 1207 par Guillaume IV de Forcalquier, autorisait les Manosquins à se réunir quand ils le voulaient pour discuter des affaires de la ville sans avoir besoin d’en solliciter le seigneur ? Ont-ils envoyé un député à Paris ? Jacques CHASSEL a-t-il participé aux assemblées primaires locales ? Louis XIII meurt, le 14 mai 1643, laissant le trône à Louis XIV.
Ce couple de mes ancêtres aura donc vécu sous les règnes de quatre rois différents et même peut-être cinq pour Jacques, s’il est né avant 1574.
Ces patronymes peu présents dans mon arbre
Sur Geneanet, le nom COPPIER/COUPPIER est courant mais pas en Provence. Ce sont les seuls de tout mon arbre, toutes régions confondues. « Le sens est incertain, tant les acceptions du mot cope (coupe) sont nombreuses en ancien français. La solution la plus probable est celle d’un coupeur de bois, un bûcheron. »
Le patronyme CHASSEL est peu fréquent, sur Geneanet, surtout porté en Lorraine mais là encore pas du tout en Provence. Sens incertain. « On hésitera entre l’ancien français « chasel » = domaine rural, métairie, et un dérivé de « caisse » (le mot « cassel » a désigné une caisse, mais aussi une loge, une cahute). » Ce sont également les seuls porteurs de ce nom dans ma généalogie.

Mais j’ai cherché aussi dans le « Tresor dou Felibrige », dictionnaire provençal-français de 1878. La deuxième définition est possible, d’autant que dans l’un des relevés d’actes, CHASSELLE est écrit JACELLE.
J’aime beaucoup ma Doulce VIEILHE au nom si poétique mais dont je ne sais rien. Son patronyme est présent seulement en Provence mais peu courant. Sa signification paraît limpide.
Le patronyme MAUREL est très porté en Provence et notamment dans le village de Dauphin d’où est originaire Alayette et son père. J’ai une autre branchette de trois générations, dans le village de Pierrevert, près de Manosque. L’origine du nom vient bien sûr de « Maure » qui désigna à l’origine des tribus ou des confédérations de tribus qui occupaient le nord du Maroc.
D’eux à moi

Sources
Cercle généalogique des Alpes-de-Haute-Provence. Un grand merci à leurs bénévoles
(1) Aubin-Louis Millin, cité dans « La vie rurale en haute Provence du XVIIe au milieu du XXe siècle », par Eric Fabre, AD 04
« Manosque de sa fondation à la Révolution française de 1789 », Association Manosquine de Recherches Historiques et Naturelles
Wikipedia, pour l’histoire des rois
« Le savoir-faire du bâtier », blog « La ronde des ancêtres », de Fanny Portaz
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Merci Véronique 🙂 C’est incroyable ce que j’ai découvert grâce à ces relevés du CGAHP, plus d’une centaine d’actes notariés concernant directement mes ancêtres ! Cet été j’ai rencontré le très sympa président à Manosque qui va peu à peu, me les copier sur une clé USB. Je n’ai pas fini de vous parler de mes provençaux… Le seul hic, c’est que pour l’instant, la dizaine que j’ai copiés sur place n’est vraiment pas facile à transcrire. Mais c’est une excellente motivation pour progresser en paléo… Je poursuis, cette année, les cours aux AD de Caen.
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De belles découvertes, des prénoms provençaux Alyette, Douce, l’aide merveilleuse des actes notariés
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Belle recherche pour cette branche provençale.
La nièce de mon ancêtre, Anne Coupiere, s’est mariée à Aubenas-les-Alpes en 1689. On voisine, mais sans pouvoir raccrocher nos branches, même par alliance. Mais je ne désespère pas…
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