B comme… BONTEMPS

Continuons ce périple « Autour du vin », n traversant la France, d’Ouest en Est, pour arriver dans les vignobles de Bourgogne, au petit village de Saint-Désert, en Saône-et-Loire dont j’ai déjà parlé dans un article, consacré à Isidore DOUHAIRET, un autre de mes ancêtres, lui aussi vigneron.

Saint-Désert, village de la Côte chalonnaise

C’est un village viticole, au cœur du vignoble de Bourgogne, situé à environ 15 kilomètres de Chalon-sur-Saône, au sein de la Côte chalonnaise.

Les vignobles de la côte chalonnaise – DalGobboM – Wikipedia commons

Entre la Côte de Beaune, au nord, et les monts du Mâconnais, au sud, la Côte chalonnaise étire ses vignes sur une zone étroite de 25 km de long et 7 km de large. Elle se présente sous la forme d’îlots de vignobles plus ou moins séparés les uns des autres. Au cœur de paysages rythmés par les collines, les parcelles de vignes ont trouvé une place privilégiée sur les coteaux orientés sud-est dont certains culminent à plus de 400 m. Jouissant d’étés chauds et d’automnes secs, les raisins mûrissent facilement. Le pinot noir et le chardonnay ont trouvé leur climat et leur terrain de prédilection, un terroir à dominante calcaire qui plaît autant à l’un qu’à l’autre.

Davanture, un vignoble d’aujourd’hui à Saint-Désert

La vigne est plantée dans la région depuis plus de mille ans, introduite par les moines clunisiens. Les ceps poussent dans des sols similaires à ceux de la Côte de Beaune dont les vins renommés ont éclipsé ces vignobles qui proposent des vins de caractère en rouge comme en blanc. Le vin bourguignon préféré d’Henri IV était, dit la légende, l’un des crus de la Côte Chalonnaise, produit sur les communes de Givry (certains de mes ancêtres y vivaient) et ses hameaux de Poncey, Cortiambles et Russilly, de Dracy-le-Fort et de Jambles. Tous sont des villages proches de Saint-Désert.

Mes ancêtres BONTEMPS, vignerons

Claude BONTEMPS, sosa 426

Il voit le jour, à Saint-Désert, le 23 juin 1689, fils de Pierre, vigneron et de Claudine DALLEMANT. Il est porté, le lendemain, sur les fonds baptismaux par Claude DELAVIGNE, vigneron au hameau de Montbogre et Marie DALLEMANT, fille de Jean, vigneron et de Philiberte PASQUELIN.

Il épouse le 26 janvier 1712, Marie PASQUELIN, fille de feu Charles, vigneron à Montbogre et de Pierrette BARRAUT, originaires de Givry où ils se sont mariés, le 28 mai 1677. Marie a dû y naître mais je ne l’ai pas encore trouvée. Comme souvent, dans ce village,es mariages s’enchaînent sur un même acte, avec les mêmes témoins pour tous, ici le recteur d’école et un cordonnier. Ce jour-là il y a quatre autres mariages, sans qu’apparemment il y ait de liens familiaux entre eux.

Extrait de la carte de Cassini – Gallica-BNF

Saint-Désert est un petit bourg, entouré de plusieurs hameaux, Coclois (Cocloye), Montbogre (MtBogre), La Saule, La Montée et Bassevelle. Mes BONTEMPS et leurs proches sont principalement des deux premiers. Le curé précise la plupart du temps le hameau et quand il note Saint-Désert, je pense que c’est pour le Bourg.

Claude et Marie ont donné naissance à une grande famille de dix enfants. Mais il n’ont assisté qu’à deux noces ! Louis est seul de sa famille à se marier, en 1751 tandis que Claude, Pierre et Jeanne ont convolé le même jour, en 1759. Etienne et Sébastien ont fait de même, en 1771, mais leurs parents n’étaient plus en vie. Louis, Claude et Pierre, leurs fils aînés sont vignerons, comme au moins trois des pères des conjoints. Sébastien est marchand fermier et je n’ai pas trouvé le métier d’Etienne. J’ignore ce que sont devenus leurs quatre autres enfants.

Claude décède le 22 février 1769. Il est dit âgé de quatre-vingt-deux ans mais n’en a que soixante dix-neuf. Je n’ai pas encore trouvé le décès de Marie, avant 1771.

Je descends de Jeanne, née le 15 mai 1730 et mariée, le 13 février 1759, avec Joseph PINARD, vigneron dont je parlerai plus tard.

Pierre BONTEMPS, sosa 852

C’est, pour l’instant, le plus ancien de mes ancêtres sur ce patronyme, sûrement natif de Saint-Désert où il décède, le 17 février 1704, âgé d’environ soixante-dix ans. Il est dit vigneron au hameau de Montbogre et il serait donc né vers 1634.

Il s’est marié avant 1674, avec Claudine DALLEMANT mais les registres paroissiaux de Saint-Désert ne commencent qu’en 1681. Je leur connais quatre enfants mais peut-être en ont-ils eu d’autres, avant 1681.

  • Claude, est né vers 1674 mais décède, âgé d’environ treize ans, le 17 décembre 1687
  • Pierre voit le jour, le 30 novembre 1681 et a pour parrain Pierre VERJUS, vigneron à Coclois et pour marraine, Philiberte PASQUELIN, épouse de Jean DALLEMANT, vigneron à Saint-Désert. Mais lui aussi décède, âgé de seize ans, le 8 novembre 1698
  • Louis dont j’ignore la date de naissance mais dont je sais qu’il s’est marié, le 15 novembre 1704, avec Jeanne DEMORTIERE.
  • Claude, né le 23 juin 1689, mon ancêtre ci-dessus.

Claudine, décède le 15 novembre 1691, elle est âgée d’environ quarante-quatre ans et donc née vers 1647. Elle avait donc environ treize ans de moins que Pierre. Mon ancêtre Claude est privée bien jeune de sa maman, il a tout juste deux ans.

Visite des feux de Saint-Désert en 1649

J’ai eu la grande chance de trouver pour le village une copie du contenu du procès verbal de la visite de feux de Saint-Désert, « faisant suite à une requête signée du notaire Demontmaron, conseil de la communauté, de l’échevin BONTEMPS, du procureur d’office DALLEMAND et du recteur d’école Jean FEBVRE, une ordonnance en date à Dijon du 16 mars 1649, commettait pour visiter le village de ST DESERT et ses hameaux, messire Jacques FERRAND, président de la Chambre des Comptes de Bourgogne. Celui-ci se présenta le 1 avril 1649, accompagné de Jean JUILLET, notaire à JAMBLES, appelé comme greffier dans toutes les maisons, sans en omettre aucune, demandant aux habitants leurs noms, professions, moyens d’existence, charge de famille et nombre d’autres détails d’un intérêt saisissant. »

Le document recensent ainsi 101 feux. Il se poursuit par la « liste des habitants du village s’étant retiré depuis peu de la paroisse à cause des grandes impositions dont elle est chargée. » et « l’inventaire des maisons inhabitées actuellement par les anciens propriétaires. » On découvre que 23 chefs-de-famille sont partis et que 39 maisons sont vides ! Cette désertion du village est sans doute la raison de la requête faite par les habitants pour montrer que les habitants, trop pauvres pour payer les impositions, quittent le village. Dans nombre de maisons, les enquêteurs insistent sur cette pauvreté des habitants. Le document que j’ai est tiré du procès verbal mais, le document original contient peut-être beaucoup plus de détails sur la vie de ces habitants.

Extrait du Tableau d’assemblage du Plan cadastral de 1829 – AD Saône-et-Loire

« La visite est commencée par la rue des Halles, continuée par la rue du Sac [sans doute les rues principales du bourg de Saint-Désert], Coclois et Montbogre, la tournée se terminait par la Montée, la Saule et Bassevelle. »

Au total, 105 personnes sont nommés dont 79 hommes dont le métier est mentionné, 5 hommes pauvres qui ne semblent pas avoir de travail, 2 infirmes, 7 vieillards et 12 veuves. Hormis un savetier, un boucher, un maréchal, un vacher, un garde pourceaux, un manouvrier, un journalier, deux meuniers, un couvreur de laves, trois laboureurs, un closier, un sergent blayé (surveillant les terres à blé du village) et le maître d’école, tous les autres, soit 63, sont vignerons. Mais seulement 10 possèdent une ou des vignes. Les autres travaillent des vignes pour le compte de sieurs, gens de robe, prêtres ou marchands qui habitaient ailleurs, principalement à Chalon-sur-Saône. La formule « fait les vignes et demeure dans la maison de… » est la plus fréquente. En effet la quasi totalité de ces vignerons habitent dans la maison du propriétaire. Ceux-ci ne semblent pas de gros propriétaires car il y en a 38 et la plupart n’ont qu’un seul vigneron. Seul, un conseiller du Roi en a cinq, un sieur quatre, un en a trois et trois en ont deux.

La situation m’a parue différente de la Gironde où l’on a vu que le « faire-valoir » son petit lopin de vigne était très fréquent. Et j’ai découvert qu’il y avait en Bourgogne, dans le Chalonnais mais aussi dans la Côte de Beaune, le Maconnais et le Beaujolais, un mode d’exploitation agricole spécifique à cette région viticole, appelé vigneronnage. Il s’agit d’une forme de métayage où le domaine exploité est essentiellement constitué de vignes. Ce mode est lié à l’existence de grands domaines qui sont ainsi divisés en parcelles que pouvait cultiver un vigneron et sa famille. Le propriétaire fournit les terres, les bâtiments et les ustensiles nécessaires à la viticulture, tandis que le vigneron exploite le domaine. Le propriétaire et le vigneron se partagent la récolte à parts égales. C’est ce que dit la définition… Mais la réalité n’est pas si facile pour le vigneron et plus à l’avantage du propriétaire. J’ai trouvé cet article qui éclaire ce qui figure dans le procès verbal de Saint-Désert, bien que la période de l’étude porte sur le milieu du XIXe siècle. Il devait déjà en être ainsi car la pratique a plusieurs siècles. Le vigneron doit obligatoirement résider sur son exploitation, dans le logement que le propriétaire met à sa disposition contre paiement et bien d’autres conditions sont aussi attachées au contrat. C’est très intéressant mais ce serait beaucoup trop long à développer. (1)

Mon sosa 1704 est peut-être là…

J’ai eu la bonne surprise de découvrir, dans le procès verbal, plusieurs BONTEMPS, à commencer par l’échevin, dommage que son prénom ne soit pas précisé. C’est le patronyme le plus de fois mentionné. Mon Pierre BONTEMPS, étant né vers 1634, il avait environ quinze ans en 1649. Il est donc fort probable que l’un de ces chefs-de-famille, soit son père. J’ai attribué à chacun, un numéro pour situer leur maison dans l’ordre de la visite.

  • 8 – Philibert FEBVRE, fils du maître d’école, habite une maison appartenant à Jean BONTEMPS, résidant à Lyon et dont il cultive les vignes.
  • 33 – Fiacre BONTEMPS, vigneron, fait les vignes et demeure en la maison du sieur de LA BOUTIERE.
  • 50 – Michel BONTEMPS, pauvre vieillard
  • 52 – Pierre BONTEMPS, possède sa maison et des vignes
  • 69 – Philibert BONTEMPS, demeure en la maison et fait les vignes des héritiers Isaac FOULLOT
  • 75 – Claude BONTEMPS, possède sa maison et des vigne, père de Philibert BONTEMPS, habitant Mercurey

Les suivants figurent sur la liste de ceux qui ont quitté Saint-Désert. Ce ne serait donc pas l’un d’eux.

  • Philibert BONTEMPS, fils de Claude, a quitté en 1646 St Désert pour Mercurey, Antoine et Michel BONTEMPS, ses fils, ont également quitté le village la même année pour Mercurey.
  • Jean BONTEMPS, bolongier, parti à Lyon depuis un mois [sa maison est vide ce n’est donc pas celui du début]
  • Jacques BONTEMPS, vigneron, parti la même année à Rosey où il fait les vignes du sieur-avocat CHANDELUZ [sa maison n’est pas vide mais on ne sait pas qui y demeure ni où elle se situe].

Comme il a été précisé, au début du procès-verbal, l’itinéraire suivi, hameau par hameau, pour visiter les habitants. et que mon Pierre est du hameau de Montbogre, donc vers le milieu du parcours, on peut éliminer les deux premiers qui doivent être au Bourg. Le troisième, pauvre vieillard, pourrait être son grand-père mais pas son père. Pierre qui se situe au milieu de la liste, donc sans doute à Montbogre, me paraît le meilleur candidat pour cette paternité… Philibert me paraît un peu loin dans la liste et Claude l’est encore plus De plus celui-ci est déjà grand-père, apparemment de deux jeunes hommes, donc trop âgé pour être le père de mon Pierre. Si mon hypothèse est la bonne, compte tenu que ce Pierre BONTEMPS a une maison et des vignes, il est sûrement passé chez le notaire. Malheureusement les répertoires des notaires ne sont pas en ligne et de plus, je ne sais devant quel notaire, il a pu acter car il n’y en a pas à Saint-Désert.

D’autre part, outre le procureur fiscal DALLEMAND, il y a aussi Louis DALLEMAND le Jeune, vigneron chez un marchand et Louis l’Ancien qui a quatre petits-enfants. L’un d’eux peut bien être le père de Claudine DALLEMANT, née en 1647, épouse de mon Pierre BONTEMPS

J’espère, un jour, avoir l’occasion d’aller sur place pour approfondir ces hypothèses…

Sources

(1) « Vignerons et vigneronnage : Quels vignerons ? », par Pierre BOUJON, Bulletin du Centre Pierre Léon d’histoire économique et sociale, année 1996

Vignobles de la Côte chalonnaise, Wikipedia

« Procès verbal de la visite des feux du village de Saint-Désert en 1649 », transcrit et annoté par E. DEMAIZIERE en 1919, repris par le Cercle Généalogique de Saône-et-Loire, dans son bulletin « Nos Ancêtres et Nous » N° 53, en ligne sur Geneanet

« Les transformations du vigneronnage beaujolais depuis la fin du XIXe siècle », par Gilbert GARNIER, Bulletin du Centre Pierre Léon d’histoire économique et sociale, année 1996.

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