L comme… LAFEYCHINE

Aujourd’hui, on retourne en Gironde, toujours au cœur des Graves, dans le village viticole de Léognan.

François LAFEYCHINE

Il vient au monde, à Léognan, le 6 mai 1701, fils de Pierre, vigneron et de Geralde (Guiraude) DARRIET. Je lui connais deux sœurs et très certainement un frère aîné.

Léognan – registre en mairie, photographié par Bruno Viateau – Geneanet

Le 26 janvier 1729, il épouse Jeanne MERIGOT, née le 27 juillet 1708, à Cestas, fille de Jean, laboureur et de Jeanne REYNEU. Parmi les témoins, il y a un Jean LAFEYCHINE, jardinier. Peut-être est-il aussi son frère ?

Léognan – registre en mairie, photographié par le Cercle Généalogique Cestadais

Plusieurs enfants de cette union vont voir le jour. Je n’ai malheureusement pas tous les actes car les registres en ligne de Léognan ne commencent qu’en 1737 mais il en existe de plus anciens qui sont encore à la mairie de Léognan. Pour ce que j’en sais, au fil des naissances, François, vigneron à son mariage, devient laboureur puis pasteur de brebis. Cette évolution m’a intriguée et j’ai fait attention aux métiers de ces fils et de ses gendres.

  • Pierre naît le en 1730, son parrain est Pierre LAFEYCHINE, vigneron, sûrement son grand-père et la marraine, Jeanne REYNE(A)U est certainement sa grand-mère. François est alors dit laboureur. En 1751, il épouse Gratianne BASQUE. Il est pasteur de brebis.
  • Pétronille vient au monde, en 1733 et convole le en 1757avec Sébastien DENIOT, laboureur
  • Matthieu est né en1736 et épouse, en 1763, Marie DUBOS, fille d’Antoine, berger et fera le même métier que son beau-père.
  • Pierre voit le jour en 1738 et se marie, en 1763, avec Agathe DUBOS, fille d’Antoine et il sera aussi berger.
  • Marie, baptisée le en 1742, épouse, en 1761, Pierre MINAUT, pasteur de brebis.
  • Catherine dont je descends, vient au monde le 28 février 1746 et convole, le 1er février 1763, avec Jean MOREAU, vigneron.

François s’est éteint, à seulement quarante deux ans, le 25 août 1746. Il aura à peine connu sa petite dernière, mon ancêtre et n’aura pas eu la joie de marier ses enfants et de les voir fonder une famille. Le contrat de mariage de son fils aîné, Pierre, que j’ai la chance d’avoir, grâce à la gentillesse des Amitiés Généalogiques Bordelaises, nous apprend que François avait un troupeau de brebis qui maintenant appartient à sa veuve, à moins que celle-ci l’ait reçu en héritage de ses parents. Il était donc berger à son compte et non pour un propriétaire.

« Etant convenu que lesd. futurs epoux feront leur demeure et residance avec lad. Merigot mere d’iceluy futur epoux laquelle sera tenue loger nourrir et entretenir à eux et aux enfants qui proviendront dud. mariage et par eux travaillant et rapportant le prou… de leur travail et industrie a lad. Merigot mere et l’honorer et respecter ainsy que des enfants sont tenus et obligés et en cas de séparation par incompatibilité ou autrement, en ce cas lad. Merigot promet de livrer aud. futur époux son fils la septième partie de toutes les brebis qui se trouveront au pouvoir (?) de lad. Merigot et a elle appartenant et outre ce, un lit garny bon et selon ses facultés de la valeur de quinze livres, en outre lad. Merigot mere dud. futur epoux lui constitue et lui permet de mettre dans le troupeau qui lui appartient cinq tetes de brebis pour le profit en entier du futur epoux et au choix de lad. Merigot. »

J’ai une interrogation sur « la septième partie des brebis », car je ne lui connais que six enfants. Alors, comme l’éventualité n’est pas après son décès, mais en cas où Pierre et sa femme partent de chez elle, peut-être se compte-t-elle une part, sinon, il me manque un enfant. Il y a bien un arbre qui lui attribue une Peyronne, née vers 1630 mais sans plus de précision ni mariage. Je ne l’ai pas adoptée pour l’instant. Jeanne ne mariera que ses deux aînés, quittant ce monde, le 20 décembre 1761, âgée de cinquante-trois ans.

Des vignes et des moutons

Cette mutation de François, vigneron, devenu pasteur de brebis m’a bien intéressée, cela paraissant deux métiers différents mais finalement complémentaires. S’il le peut, en même temps qu’il plante, le vigneron fume la terre pour aider la jeune plante. Mais un petit vigneron qui n’a ni cheval ni vache à l’étable n’a nullement les moyens de se procurer du fumier qui coûte cher. J’imagine François achetant quelques moutons pour l’aider à fumer ses vignes, puis voyant peu à peu que les moutons lui rapportent plus que la vigne, augmentant peu à peu son cheptel…

Les moutons pouvaient aussi aider le vigneron à désherber, lui économisant des heures de travail, car il travaillait à bras. Du côté des bergers, la pratique de faire pâturer les moutons dans les vignes était courante autrefois, notamment entre janvier et février lorsque l’herbe se faisait rare dans les prés. Cette méthode traditionnelle permettait un entretien naturel des parcelles viticoles et contribuait à l’alimentation des moutons. Elles constituaient un terrain naturel pour les animaux, surtout dans les communes pauvres en surfaces à paître.

Comme je cherchais comment illustrer cette interaction entre les vignes et les moutons, j’ai découvert qu’il y avait pléthore de photos actuelles sur le sujet.

Moutons dans les vignes du Vieux Landat

Cette pratique qui a été abandonnée pendant un certain temps, connaît un retour avec des expérimentations dans diverses régions. comme le mentionne le domaine du Vieux Landat, dans le Haut-Médoc. « Depuis 10 ans les moutons du Vieux Landat nous aident à entretenir les parcelles de la fin de la vendange jusqu’au printemps. Nos vignes étant enherbées, elles nécessitent un entretien régulier, même pendant les mois d’hiver. Les moutons sont une excellente alternative au désherbage mécanique et repousse les premières interventions de printemps de 2 à 3 semaines. En plus d’être tout terrain (aucun brin d’herbe ne leur échappe !), ils n’ont aucuns effets négatifs sur la structure ou la fertilité du sol, au contraire ! Leurs excréments enrichissent la terre de matière organique et permettent ainsi d’en préserver l’équilibre. Malheureusement, les petites feuilles et les bourgeons de vignes sont très appétissant pour nos petites tondeuses sur pattes et ils pourraient causer d’importants dégâts. Les moutons retrouvent donc leur prés dès que la nature se réveille jusqu’à la prochaine récolte après laquelle ils pourront se balader de nouveau entre les rangs. » C’est aussi une façon des plus écologiques pour remplacer les herbicides.

Mais un troupeau de cent brebis pâture 1 ha de parcelle viticole en deux jours si bien que l’agropastoralisme doit être complété par une autre source de nourriture. Dans des régions où la vigne voisine avec des forêts, les moutons quand ils ne sont pas dans les vignes vont nettoyer les forêts et on a alors de l’agrosylvopastoralisme. Dans d’autres cas, comme à Trets, en Provence, pendant l’hiver, « le troupeau d’ovins est élevé à proximité du domaine dans une bergerie et à l’été, le troupeau part en transhumance dans les Alpes. Ce système a pour objectif de récupérer du fumier pour amender le sol, et en contrepartie le troupeau est partiellement nourri avec des fourrages produits sur le domaine (en rotation avec le blé) ; l’objectif est de fonctionner le plus possible en cycle fermé. »

Je suis très fière que mon vigneron/berger ait sûrement mis en pratique tout ce que l’on redécouvre maintenant. Et je suis ravie par ailleurs, car me replonger dans cette famille pour écrire cet article, m’a fait découvrir que je pouvais remonter deux générations de plus et avec deux inventaires après décès qui me permettront sûrement de découvrir si ces générations antérieures étaient des vignerons et/ou des bergers.

Sources

Des ovins dans les vignes, Cairn infos

L’intégration de moutons dans les vignes comme moyen de gestion de l’espace enherbé, INRAE

2 réflexions sur “L comme… LAFEYCHINE

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