T comme… Tonneliers

Je ne pouvais pas, dans ce Challenge « Autour du vin », ne pas faire une bonne place à mes ancêtres tonneliers qui ont vécu, à côté de mes vignerons. Il n’y a qu’un endroit où j’ai beaucoup de vignerons mais aucun tonnelier, c’est à Belleville.

En Gironde

Jean DUPUCH, sosa 100

Il est né le 1er septembre 1767, à Léognan, fils de Pierre, vigneron et de Marguerite DUBREUIL. Il est porté sur les fonds baptismaux par Jean DUBREUIL, tonnelier et Jeanne DUPUCH.

Je n’ai aucune certitude concernant le lien familial avec son parrain mais il est probable que ce soit avec lui qu’il ait appris son métier de tonnelier. Le 23 avril 1788, à Gradignan, il épouse Marie MOREAU, fille de Jean MOREAU, vigneron et de Catherine LAFEYCHINE. Jean est dit tonnelier et signe ainsi que son père.

Le couple a eu cinq enfants mais j’ai bien peur, hélas, qu’un seul, Pierre dont je descends est atteint l’âge adulte. Je n’ai pas encore trouvé les décès des deux plus jeunes mais ils ne sont pas dans la base des mariages de la Gironde. Pierre ne sera pas tonnelier mais laboureur.

Je ne sais pas encore à quelle date Jean meurt mais c’est après sa femme, Marie qui est dite, à son inhumation, le 14 mars 1837, âgée de soixante quinze ans, épouse de Jean DUPUCH, propriétaire demeurant à Peycamin, petit hameau de Gradignan qui jouxte Léognan. Me reste à découvrir un jour, de quoi se compose sa propriété.

Extrait du plan cadastral de Gradignan – AD 33

Bernard TEYCHENEY, sosa 98

Il voit le jour le 12 janvier 1757, à Villenave d’Ornon, fils de Pierre, vigneron et de Jeanne CANTON. Son parrain, Bernard TEYCHENEY, est sûrement on oncle, également vigneron. Il se marie, à Gradignan, le 25 janvier 1780, avec Catherine PARDIAC, native de Pian-sur-Garonne, fille d’Henri dont j’ignore la profession et de Jeanne SARGOS. après avoir passé contrat, à Bordeaux, le 2 janvier, Il est dit alors « tonnelier journalier ». Son père signe mais lui ne sait.

AD 33 – Etude HAZERA 2c 554 – F° 189 – Photo AGB

C’est à Bordeaux, en la petite église Saint-Projet que naît leur première fille

L’église Saint-Projet de Bordeaux dont il ne subsiste aujourd’hui que la tour est un édifice religieux situé dans le quartier historique de la ville. Construite au XIVe siècle, elle était l’une des plus petites églises de Bordeaux mais bénéficiait d’un emplacement privilégié à l’intérieur des murs d’enceinte de la ville. Elle était fréquentée principalement par la bourgeoisie et les artisans aisés bordelais.

Les enfants suivant, sauf peut-être la plus jeune, Jeanne, mon ancêtre dont je n’ai pas retrouvé le baptême, sont baptisés en la cathédrale Saint-André qui se trouve aussi dans le quartier historique. Sur tous ces actes, Bernard est dit tonnelier. J’imagine donc que c’est dans ce quartier qu’il exerce son métier.

Ses deux fils, Jean et Dominique, sont tonneliers et les conjoints de ses filles sont vignerons. Le 12 septembre 1805, c’est le mariage de Dominique, à Bordeaux. Celui-ci demeure au Faubourg des Chartreux, 34 rue Notre-Dame mais son père, toujours dit tonnelier, habite avec son épouse à Villenave d’Ornon. De ce fait, j’ai un doute sur le lieu où Bernard exerçait son métier, Bordeaux qui a vu naître ses enfants ou Villenave d’Ornon ? C’est dans ce second lieu qu’il décède, le 28 mars 1811, âgé de 54 ans et par le décès de Catherine, le 28 octobre 1832, on sait que c’est plus précisément au hameau de Couhins.

En Saône-et-Loire

Lazare Pelletier, sosa 52

Il est né le 6 février 1788, à Morey, fils d’André, laboureur au hameau Baugey et de Pierrette BERTHIER. Dans son ascendance, il n’y a aucun tonnelier. Du côté de son père, ce sont des tisserands dont certains, sont en même temps laboureurs.

Il épouse, le 2 février 1818, à Morey, Claudine Julie PINARD, fille de Claude, couvreur et de Marie GARLOT. Ce mariage entre une demoiselle PINARD et un tonnelier m’avait bien amusée lorsque je les ai découverts. C’est le premier couple par lequel mon ascendance, du côté maternel, arrive dans ce département de Saône-et-Loire. Ils donneront naissance six enfants mais malheureusement auront le chagrin d’en perdre trois en bas âge, dont les deux aînés.

De leur mariage à la naissance de Philibert en 1827, Lazare est dit tonnelier et la famille demeure à Saint-Désert. En 1829, la mention de son métier est remplacée par propriétaire. J’ai donc été voir si je pouvais retrouver ce dont il est propriétaire sur la matrice cadastrale de 1830 qui accompagne le plan cadastral. Et j’ai eu la chance de trouver cela.

J’ai bien sûr eu envie de savoir à quoi correspondait ces numéros 632 et 633 sur le plan. Et c’est au Bourg que se trouve cette double maison et cour.

Extrait du Plan cadastral de saint-Désert – AD 71 – 04043_3PA_035

Et si la maison de Lazare existait encore… Celle que j’ai retrouvée, sur Google Maps, à cet angle, facilement identifiable, est au 44 avenue de Bourgogne et elle me plaît d’autant plus qu’elle me semble avoir au moins gardé des vestiges de celle où habitait mes ancêtres, à cet emplacement. Quelle émotion !

Google maps

J’ai très envie d’aller toquer à la porte avec ce rêve que ce soit Lazare qui me l’ouvre… Je ne savais auquel de mes tonneliers, demander qu’il m’explique son travail. Et bien, voilà, ce sera à lui !

Le travail du tonnelier

  • Bien le bonjour, madame, mais ai-je le plaisir de vous connaître, votre parler me semble bien parisien ?
  • Ah, quelle surprise, je suis très content de découvrir ton existence ! C’est donc pour cela que tu parles pointu comme Charles a perdu aussi son accent quand il est monté à Paris, pour être entrepreneur des Ponts-et-Chaussées.
  • C’est avec un oncle que je me suis formé. Ma tante Marie PELLETIER a épousé Jean JEUNEHOMME qui était tonnelier, comme son père, son frère et peut-être d’autres encore dans cette famille. Il m’a embauché comme apprenti et il m’a fallu cinq ans pour devenir tonnelier à mon tour.
  • Oh, ben déjà, ça dépend de sa taille et puis tu sais, je ne fabrique pas que des tonneaux, je fais aussi des cuviers pour fouler le vin après les vendanges et puis divers autres récipients.
  • Ah parce que tu as aussi des ancêtres tonneliers en Gironde, j’aurai eu plaisir à les rencontrer pour échanger sur notre travail ! Il a raison, en Bourgogne, le muid contient 228 litres. Alors, si tu veux, je vais te raconter la fabrication d’un muid. Mais avant de commencer ce tonneau, bien longtemps avant, je suis allé avec un bûcheron choisir un arbre (chêne ou châtaignier) pour qu’il l’abatte avec des haches. Et puis le merrandier a coupé le tronc encore vert en billots de la longueur des douelles qu’il a fendu en quartiers à l’aide du départoire frappé avec une mailloche puis a retiré le cœur et l’aubier pour obtenir le bois merrain. Ça c’était il y a trois ou quatre ans, le temps que le bois perde sa sève et se dessèche.
Outils du tonnelier – Musée de Bouray
  • Oui tout à fait, d’abord, je choisis mes douelles et je m’installe devant mon banc qui s’appelle une colombe. Je les régularise à la doloire puis à la plane droite pour le dessus de la douelle et la plane creuse pour le dedans. Pour cela j’utilise des gabarits pour contrôler la forme des douelles.
in Sacrée vigne !
  • Oh tu sais avec l’habitude, on fait cela rapidement. Après il faut que je prépare les fonds, d’abord avec un compas. Les fonds, sont mesurés et tracés sur des planches que l’on a réunies par des chevilles. Chaque fond est découpé à la scie à chantourner, puis raboté pour que les joints soient bien serrés quand on le place sur le tonneau. Pour que l’ajustement soit étanche, on taille le bord des fonds en biseau avec une plane.
  • Oui, c’est cela. J’installe toutes mes douelles, une à une dans un cercle de montage. Ensuite je les mouille et les chauffe au-dessus d’un feu et je pose de plus petits cercles renforcés pour réunir les douelles assouplies. Puis je retourne alors le tonneau pour refermer son extrémité encore épanouie avec d’autres cercles passés dans le sens opposé. Au centre le feu, assouplit le bois et permet le cintrage avec le bâtissoire.
in l’Art du tonnelier, par M. FOUGERON DE BONDAROY, 1763 – Bibliothèque de la ville de Lyon
  • Quand le tonneau est refroidi et ses douelles jointes, je les égalise avec l’asseau et termine le rognage avec un rabot de tête pour égaliser l’extrémité des douelles, avant de raboter la face intérieure avec un stockholm.

  • Puis, je creuse le jable, c’est la rainure pratiquée au sommet des douelles dans laquelle le fond vient se loger. Pour tirer le jable, je tiens mon jabloir à deux mains et lui donne un mouvement de va-et-vient, en me mettant de profil par rapport au fond de la barrique. Le tonneau est placé sur la chaise à rogner et, au fur et à mesure de l’avancement du travail, je le fais tourner. Puis j’installe les fonds.
  • Puis il me faut mettre les cercles de bois mais ce n’est pas moi qui les fabrique, je les achète au cerclier.
  • Ces cercles sont vendus en rouelle, meule ou botte : ces appellations correspondent à un nombre déterminé de cercles. Le nombre de cercles peut aller jusqu’à 24. Certains d’entre eux sont mêmes doublés, liés entre eux par des brins d’osier. C’est le cas des cercles de jable (aux extrémités du tonneau) : on met en place deux cercles doubles, les sommiers. Leur épaisseur fait que c’est sûr eux que porte le tonneau quand on le fait rouler. Ils protègent, ainsi, les douelles au niveau du jable.
in l’Art du tonnelier, par M. FOUGERON DE BONDAROY, 1763 – Bibliothèque de la ville de Lyon
  • Oh, je ne mets pas plus de huit heurs pour faire un tel tonneau.
  • Sur ton quoi ?
  • Oh, ben c’est très gentil de vouloir te souvenir de nous. Je suis bien content, alors, de t’avoir expliqué mon travail et puis, cela pourra servir, si un jour, j’ai des descendants qui veulent être tonneliers ! J’espère que tu reviendras me voir, un jour où ma Claudine sera là. Elle va être tellement étonnée quand je vais lui raconter que j’ai vu une de nos lointaines petites-filles, venues du futur…

Je quitte à regret Lazare mais d’ici peu, c’est lui qui quittera sa maison et son travail… La famille va rejoindre Charles à Paris. Je le retrouve le 8 mai 1850, au mariage de Charles. Il habite alors 17 rue Cassette, dans le 6ème arrondissement et est commerçant. Sa fille Julie se marie aussi à Paris, quant à Philibert, c’est à Rio-de-Janeiro, le 17 mai 1862, qu’il ira prendre femme ! Claudine décède le 11 février 1842 et Lazare quitte ce monde le 13 octobre 1864, au 53 rue de la Tour, dans le 16e arrondissement.

Dans les Alpes-de-Haute-Provence

Barthélémy et Claude BOUISSON, sosas 892 et 1794

Je n’ai pour l’instant trouvé aucun vigneron ou marchand de vin dans les Alpes-de-Haute-Provence mais il est fort possible que j’en découvre en déchiffrant les actes notariés. Mais je ne voulais pas que soient les oubliés de ce Challenge, mes deux tonneliers provençaux.

Barthélemy naît à Manosque, vers 1662, fils de Claude, maître charpentier et maître tonnelier et d’Anne BERTRANDE. Le 27 mai 1694, il se marie avec Marguerite CHAUVET. Sa femme décède, à une date inconnue mais qui ne leur a pas laissé le temps d’avoir des enfants. Il se remarie le 19 janvier 1699, en l’église Saint-Sauveur de Manosque, avec Victoire DEGREAUX, née le 23 avril 1680, fille de Jacques, marchand et de Marguerite CONTE, après avoir passé contrat, le 18 janvier.

MANOSQUE_Saint-Sauveur, 1690 – 1710, 1MI5/0020

Le père et le fils sont dits tonneliers et tous les deux signent. Barthélémy a une sœur aînée et deux frères plus jeunes. Je ne sais quel est le métier de Paul, le premier et Louis, le second est maître chamoiseur.

Barthélémy et Victoire ont quatre enfants mais je ne sais si les deux plus jeunes ont atteint l’âge adulte. Le petit dernier est né trois mois avant le terrible tremblement de terre du 14 août 1708, à 6 heures du matin. Il est dit que ce terrible cataclysme qui a détruit en grande partie la ville de Manosque n’a pas fait de mort. Mais il est bien possible que ce petit bonhomme de trois mois n’y ait, hélas, pas survécu. Claude, le père de Barthélémy, n’aura pas vécu cette grosse frayeur car il est décédé, le 20 octobre 1706, âgé de 62 ans. Je ne sais si son épouse, Anne, l’a précédé ou suivit dans la mort.

Je descends de François, leur aîné qui sera blanchier et marchand pelletier. Claude, son puîné, sera maître teinturier. Donc aucun rapport avec la tonnellerie. Suivant les actes, Barthélémy, est dit tonnelier, charpentier ou géomètre. Il décède, le 27 mars 1745, âgé d’environ quatre-vingt-trois ans et Victoire s’éteint, le 4 janvier 1752, à l’âge de 72 ans.

Sources

Le tonnelier, Musée de Bouray et son histoire

Histoire des tonneliers & boisseliers, merrandiers, doleurs, cercliers…, Arcoma

Les tonneliers, Le vieil Erstein

Fabrication des tonneaux, film muet de l’INA

Tonnelier, dans « Le livre de l’outil », André VELTER, Le Grand livre du mois

Sacrée vigne !, les outils du vigneron et leur histoire, Philippe BERARD et Michel BOUVIER, Editions Gaussen

2 réflexions sur “T comme… Tonneliers

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