Il me reste un vigneron, bien pratique pour cette dernière lettre et c’est mon plus ancien.
Salomon CERNEAU, sosa 3472
Je ne sais quand il est né à la fin du XVIe siècle, sûrement à Rosny – qui deviendra Rosny-sur-Seine – où il a pu croiser Maximilien de Béthune, duc de Sully, né au château de Rosny, une trentaine d’années avant lui. Le choix biblique de son prénom, par ses parents, me laisse à penser que sa famille était protestante, comme l’était la maison de Béthune.

Né le 13 décembre 1559 au château de Rosny, il descend de la maison de Béthune, originaire de l’Artois et appartient à la branche cadette, peu fortunée et calviniste (les Béthune-Locres), apparentée aux comtes de Flandre. Second fils d’un couple de protestants, François de Béthune et de Charlotte Dauvet (qui appartenait à une famille de conseillers au Parlement), il devient l’héritier de la baronnie de Rosny à la mort de son frère aîné, Louis de Béthune, en 1578. (1)
Maximilien de Béthune. École française du XVIIe siècle – Musée Condé à Chantilly.
Salomon a épousé, à une date inconnue, Lubine DEFORGE, née vers 1593.
1593 c’est l’année où Sully conseille au nouveau roi, Henri IV, de se convertir au catholicisme afin de pacifier le royaume, mais refuse lui-même d’abjurer. La relation de Sully au protestantisme est problématique et fluctuante. Si par protestantisme on entend la religion réformée, il est resté fidèle, de sa naissance à sa mort, le 22 décembre 1641. Si on désigne la force publique menée par une partie de la noblesse et de la bourgeoisie urbaine, les relations se compliquent : les rapports de Sully avec ses coreligionnaires engagés dans le siècle n’ont pas été tranquilles. En 1598, c’est la signature par Henri IV de l’Édit de Nantes. (1)
Cette même année 1598, Maximilien de Béthune, alors Gouverneur de Mantes puis Surintendant des Finances, entreprit de faire reconstruire le château de Rosny, sur les bases d’un manoir fortifié médiéval, démantelé et brûlé en 1435, au cours de la guerre de Cent Ans. Il le fit bâtir en briques et pierre selon le goût de l’époque, grâce à 10 000 écus que lui avait donnés le roi qui vint visiter le domaine en 1603. Maximilien de Béthune deviendra Sully, en 1606, lorsqu’il est élevé à la dignité de duc de Sully par Henri IV.

Quant à Salomon et Lubine, ils ont donné naissance à au moins trois enfants.
- Jacqueline qui a épousé Georges SARADIN, maître cordonnier, le 9 février 1649 à Mantes – devenue seulement en 1953 Mantes-la-Jolie.

- Joachim, mon ancêtre, né vers 1631 porte lui aussi un prénom biblique. Il épouse le 15 février 1654, à Rosny, Catherine SAUSSE/SAUSSAY, fille de Louis, jardinier et de Jeanne VINCENT. Il est huissier, archer de la Maréchaussée de Mantes. Il prénomme un de ses fils Joachim et un autre Salomon. Il décède le 18 avril 1681, âgé d’environ 50 ans.

- Jean est décédé le 14 octobre 1666 malheureusement, son âge n’est pas indiqué.
Sur aucun de ces actes la profession de Salomon n’est mentionnée mais par chance, on le retrouve sur une page du « Terrier du fief de St Antoine tome II contenant les déclarations des censitaires passées aud. fief depuis 1583 jusqu’en 1758. »

« Salomon CERNEAU laboureur vigneron demeurant a Rosny tient et advoue tenir a titre de droit de sens annuel et perpetuel de noble dame Soeur Marguerite des PORTES dame et prieur du prieuré Sainct Anthoine … lesd. heritaiges cy apres declarés portants … … , deffaults, … et autres droits seigneuriaux … … … »

« Un lot de vigne contenant demy arpent ou environ, le lot ainsy qu’il se poursuit et comporte fut au terroir de Rosny au lieu nommé les Closets tenant d’un costé à François DEFLUBE, d’autre costé à Joachim LEMOYNE, d’un bout la veufve de Claude FORGET et d’autre bout le chemin qui … aux Mouches. Led. lot chargé tous les ans … lad. dame de dix sols et … … »
On voit très bien, sur ce beau plan où se situe ce lot de vignes. Dans le terrier, on retrouve un acte similaire pour François DEFLUBE qu’il tient de la même dame et où il est précisé que son lot de vignes jouxte celui de Salomon. Je n’ai pas retrouvé les autres voisins.

« Et l’advouant a affirmé que ceste presente declaration contient verité et sest obligé vers lad. dame a payer lesd. droits de … cy continuer si longuement quil la devra dud. heritaige faict le vingt sixiesme jour de mars mil six cents quarante six … son seing. »
Quelle belle preuve que Salomon est vigneron ! C’est mon plus ancien et c’est pour lui que j’arrive le mieux à localiser les vignes qu’il travaille. Le vin qu’il produisait a-t-il été servi au château de Rosny ? Sully décède le 22 novembre 1641 mais cela fait déjà pas mal de temps qu’il ne demeure plus à Rosny. Salomon est contemporain de son fils, second marquis de Rosny , Maximilien II de Béthune (1588-1634), puis du fils de celui-ci, Maximilien III François (1615-1661/1662), 2e duc de Sully et 3e marquis de Rosny, prince d’Henrichemont et Boisbelle, gouverneur de Mantes, marié en 1639 Charlotte, comtesse de Gien.
Les ancêtre de Salomon étaient-ils vignerons ? Salomon a quitté ce monde avant Lubine, décédée le 11 décembre 1669, âgée d’environ 76 ans. De ces petits fils, issus de Joachim dont j’ai trouvé la profession, l’un Pierre, dont je descends, est huissier royal, Nicolas est notaire tabelllion royal de Rosny, seul Adrien est « laissé vigneron« à son décès.
Sources
(1) Maximilien de Béthune, duc de Sully, Wikipedia
(2) Seigneurie de Rosny, tome II du terrier du fief de Saint Antoine : déclarations 1 à 321 pour Mmes de l’abbaye de Notre-Dame de Saint Cyr en Val de Gally. Table alphabétique des censitaires – 1583-1756 – AD 78

Les branches les plus anciennes sont passionnantes, lorsqu’on a la chance de les documenter. Cet article est une plongée dans l’histoire du côté protestant. Ton ancêtre l’était sûrement.
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