J’aurai pu vous parler pour la lettre O de l’avenue de l’Opéra où sont nés, au N° 29, mon grand-père et ses frères et sœurs, mais j’avais déjà parlé de la famille rue Duphot. Et puis j’avais été frustrée, en choisissant de parler de mon épicier de la rue Froidmanteau, d’avoir dû éliminer une rue pour la lettre F. Alors, par cette petite pirouette, je peux vous parler de la rue des Francs-Bourgeois...
Au fil du temps
La rue des Francs-Bourgeois est située à Paris, dans le quartier du Marais, marquant la limite entre le 3e et le 4e arrondissement, les numéros impairs appartenant au 4e et les pairs au 3e. Elle va de la place des Vosges au carrefour de la rue Rambuteau et de la rue des Archives.
Cette rue résulte de la fusion de trois rues, la rue Neuve-sainte-Catherine, du XVIème siècle, entre les rues Saint-Louis (actuellement rue de Turenne) et Payenne ; la rue appelée des Poulies ou des Vieilles-Poulies (1258), en référence aux poulies des tisserands, nombreux dans cette rue, puis des Francs-Bourgeois à cause d’une « maison d’aumône », ouverte dans cette rue, vers 1334, pour de pauvres gens exemptés de taxes du fait de leur indigence et des Francs-Citoyens, pendant la Révolution, entre les rues Payenne et Vieille-du-Temple ; la rue du Paradis, appelée auparavant des Jardins, entre les rues Vieilles-du-Temple et la rue Mercy (actuellement rue des Archives). Ces trois rues ont fusionné en 1868 en une seule sous le nom de Francs-Bourgeois dont le début a été reporté en 1893, à la Place des Vosges (Place Royale sur le plan) par absorption de la rue de l’Echarpe.

Mes ancêtres qui y demeurèrent
Quand je vais aux Archives Nationales, je fais l’aller et retour Caen-Paris dans la journée. Ce jour-là, il me restait un peu de temps avant d’aller reprendre mon train, alors je me suis dit que c’était une bonne occasion, d’aller voir à quoi ressemblait la maison du 25 de la rue des Francs-Bourgeois où je venais de découvrir qu’était décédé un de mes ancêtres. D’autant que ce n’était pas loin puisque c’est la rue où se trouve l’entrée principale des Archives nationales.

J’arrive à ce croisement et attirée par cette petite tourelle, je la prends en photo. Puis, je longe ce grand mur et découvre que le N° 25 est au milieu de ce grand bâtiment. Un peu intriguée, je continue et arrive à l’entrée du jardin ci-dessous.

Je poursuis jusqu’au bâtiment suivant qui est numéroté 23. Donc, pas de doute le 25 est bien ce grand bâtiment. Et je découvre, ébahie, que c’est l’Hôtel Lamoignon, dans lequel se trouve la Bibliothèque historique de la ville de Paris que je ne connaissais pas. Ce qu’on voit sur la photo, c’est l’arrière de l’Hôtel. Mais comment est-ce possible que mon ancêtre ait habité là ? Alors bien sûr j’ai eu envie d’aller voir l’autre côté auquel on accède par l’entrée principale qui se trouve au 4 rue Pavée.

Je suis entrée, émerveillée, dans la Bibliothèque dont l’entrée est sur la droite de la photo et qui est ouverte au public. On rentre d’abord dans une grande salle dans laquelle on peut librement, sans avoir besoin d’être inscrit, consulter les livres qui sont dans les étagères, plongés dans des fauteuils confortables. J’ai bien évidemment cherché ce qu’il y avait sur l’histoire de ce lieu qui pourrait m’expliquer comment mon ancêtre a pu y habiter et trouvé des trésors sur les rues de Paris. Je me suis inscrite pour avoir une carte de lecteur car j’avais bien l’intention d’y revenir pour consulter des ouvrages du fonds, que l’on peut consulter après les avoir réservés, ce qu’on peut faire par internet. À l’accueil, on m’a remis un dépliant qui me permet de vous raconter, aujourd’hui, l’histoire de ce lieu.
Au début il ne s’appelait pas hôtel Lamoignon mais hôtel d’Angoulême. C’est un des plus anciens hôtels particuliers du Marais. Sa construction a été initiée par François de Pisselieu en 1559, puis il a été acheté par Diane de France, fille légitimée du roi Henri II, qui porte le titre de duchesse d’Angoulême. Le plan et l’élévation d’origine sont attribués à l’architecte Philibert de l’Orme. Il est constitué d’un corps de logis entre cour et jardin et de deux avants corps. On retrouve sur leurs frontons, les attributs de Diane, déesse de la chasse : têtes de chiens et de cerf, croissant de lune, nymphes et trophées.
Charles de Valois, neveu de Diane de France fait duc d’Angoulême à son tour, entre en possession de l’hôtel à la mort de sa tante. Fils légitimé de Charles IX et de Marie Touchet, il est compagnon d’armes d’Henri IV, avant de conspirer contre le roi et d’être emprisonné puis gracié. Entre 1624 et 1640, il agrandit l’hôtel d’une aile qui s’étend le long de la rue des Francs-Bourgeois. On lui doit l’échauguette décorative qui avait attiré mon œil

Huit ans après la mort de Charles de Valois en 1650, Guillaume de Lamoignon, Premier président du Parlement de Paris, devient locataire de l’hôtel. Il y tient un salon lettré fréquenté par Boileau et Madame de Sévigné. En 1688, l’hôtel est acquis par cette famille de Lamoignon qui donnera son nom à l’hôtel.
Après 1751, l’hôtel est loué à Antoine Moriau, procureur du Roi et de la Ville. Grand amateur d’histoire, il y installe son importante bibliothèque dédiée à l’histoire de Paris qu’il lègue à la Ville de Paris. Après sa mort en 1759, la Ville l’ouvre au public en 1763. Durant la Révolution française, cette première bibliothèque municipale est dispersée et ses collections en partie transférées à l’Institut de France. L’hôtel, revendu en 1794, est divisé au 19e siècle en logements, ateliers et boutiques. Et voilà pourquoi mes ancêtres ont pu y habiter !
Habitent donc à cette adresse, le 20 novembre 1825, Alexis Félix DUPRE et Adélaïde Marie Etiennette MESLE lorsque celui-ci est témoin au décès de sa mère Marie Elisabeth Louise SIMONNET, épouse de Louis François DUPRE. Ceux-ci demeuraient 17 rue des Chantiers, à Versailles. Après le décès de sa femme, Louis François a dû venir vivre chez son fils ou au moins à côté de chez lui, car à son décès, le 13 avril 1826, âgé de 91 ans, il habite aussi au 25 de la rue des Francs-Bourgeois.
J’ai déjà parlé un peu de Marie Elisabeth Louise sur l’article dédié à ses parents, Grégoire SIMONNET et Anne DUBOIS. Louis François DUPRE est né à Montmirail, dans la Marne, le 18 juillet 1734, fils de Louis DUPRE et de Marie Louise LEFORT. Son père était manouvrier et la vie pendant son enfance n’a pas dû être facile, car il y a eu neuf enfants à nourrir, et bien triste car au moins six d’entre eux sont morts quand ils étaient enfants.

Louis François et sa sœur Marie Louise Joseph sont montés à Paris. Je n’ai pas retrouvé trace de Marie Claude qui n’est pas décédée à Montmirail. Est-elle venue à Paris avec eux ? Le premier acte dans lequel je le rencontre, c’est lors d’un acte de constitution de rente viagère, dite tontine, le 15 décembre 1761. J’y apprend qu’il est domestique du Maréchal d’Estrée et qu’il demeure rue de Richelieu, Paroisse Saint-Roch. Mais c’est sans doute de la femme du Maréchal d’Estrée qu’il est domestique car ce dernier est décédé en 1698.

Il verse quatre cents livres et recevra, à vie, trente deux livres de rente viagère annuelle.

Louis François se marie à Paris le 16 février 1768 avec Marie Louise Elisabeth SIMONNET, en l’église Saint-Sulpice, dans le 6e arrondissement. Il a 34 ans et elle en a 19. Sans doute se sont-ils croisés en la demeure du Maréchal d’Estrée, 81 rue de Grenelle, où il était domestique et dont son futur beau-père était concierge.

Ils ont eu huit enfants, quatre garçons dont mon ancêtre Alexis Félix, le petit dernier, et quatre filles. Mais j’ai un doute sur l’existence d’Honoré Alexis que je ne vois apparaître qu’à la mort de Anne Marie Victoire GESLAIN, première épouse divorcée de son frère Alexis Louis Grégoire, dite à son décès, épouse d’Honoré Alexis.

Il a été employé à la Trésorerie, raison pour laquelle, il est dit, pensionnaire de l’Etat, sur la table des décès.

Quant à mes ancêtres Alexis Félix DUPRE et Marie Adélaïde Etiennette, ils ont donc vécu au moins deux ans, en 1825 et 1826 ,au 25 rue des Francs-Bourgeois mais ils ont pu y demeurer plus longtemps entre leur mariage en 1818 où l’un habitait 8 rue des Grésillons dans le 8e arrondissement et l’autre 5 rue de Vivienne dans le 2e et le 22 août 1848, où je les retrouve au 2 rue de Touraine, dans le 3e.
Pour finir cet article, retournons à l’hôtel Lamoignon que la Ville de Paris achète en 1928. Le bâtiment est alors très délabré et la Ville en entreprend la restauration pour y installer la Bibliothèque historique, à l’étroit dans un hôtel voisin partagé avec le musée Carnavalet. Lors des travaux on découvre sous les faux plafonds, des poutres peintes du début du 17e siècle. Elles sont rassemblées dans la salle de lecture. Une aile moderne (en haut des escaliers de la cour pavée) est créée et deux niveaux sont creusés en sous-sol pour accueillir les collections. La bibliothèque ouvre au public en 1969. Un lieu où j’ai vraiment envie de revenir découvrir ses trésors.

Sources
Jacques HILLAIRET, « Dictionnaire historique des rues de Paris, tome 2 »
Pingback: R comme… rue de Rivoli | Au sein de mon arbre
C’est génial de voir surgir cette surprise au détour d’une promenade. Comme tu as dû être heureuse !
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